La crise du logement s'étend : tout le pays commence à ressembler à la Californie
Le marché immobilier américain traverse une période troublante. Alors que la crise de l'accessibilité du logement était traditionnellement associée aux villes progressistes des côtes, les prix des maisons augmentent désormais le plus rapidement dans les régions du Sun Belt, autrefois considérées comme des refuges abordables. Cette tendance menace de transformer une crise régionale en catastrophe nationale.
Au cours de la dernière décennie, les prix médians des logements ont explosé : +134% à Phoenix, +133% à Miami, +129% à Atlanta et +99% à Dallas. Ces hausses dépassent largement celles enregistrées dans les villes côtières traditionnellement chères comme New York (+75%) ou San Francisco (+76%). Le Sun Belt, qui servait historiquement de soupape de sécurité pour le marché immobilier américain, est en train de perdre son avantage compétitif.
Ce phénomène pose un véritable casse-tête économique. La théorie dominante attribuait la crise du logement aux régulations excessives imposées par les États démocrates. Pourtant, les prix flambent maintenant dans des États républicains ou modérés réputés pour leur réglementation plus souple. La réalité est plus complexe : les villes du Sun Belt suivent simplement le même chemin que les métropoles côtières, avec quelques décennies de retard.
Les recherches des économistes urbains Ed Glaeser et Joe Gyourko révèlent que le rythme de construction dans le Sun Belt a chuté de plus de moitié ces 25 dernières années. Pendant ce temps, la demande n'a cessé d'augmenter, particulièrement depuis la pandémie qui a accéléré l'exode des villes chères vers ces destinations plus abordables. Le résultat est prévisible : une flambée des prix malgré des coûts de construction encore raisonnables.
En réalité, les réglementations d'urbanisme dans le Sun Belt se sont progressivement durcies. Des villes comme Miami ou Phoenix figurent désormais parmi les plus restrictives du pays. Ce durcissement est devenu particulièrement visible alors que ces villes atteignent les limites de leur expansion horizontale, contraintes par des obstacles naturels ou des distances de trajet devenues excessives.
Comme l'explique Alex Armlovich du Niskanen Center, le code d'urbanisme d'Atlanta ressemble étrangement à celui de Los Angeles dans les années 1990. Lorsque l'expansion horizontale n'est plus possible, ces réglementations deviennent soudainement un frein majeur au développement. Les résidents aisés et éduqués, de plus en plus nombreux dans ces villes en croissance, utilisent activement ces règles pour bloquer les nouveaux projets.
Le Texas offre un exemple frappant de cette dynamique. La loi dite "de pétition valide", datant de 1927, permet à une minorité de résidents de bloquer des projets immobiliers. Utilisée de plus en plus fréquemment, elle a déjà fait échouer des projets allant d'extensions d'hôpitaux à des logements sociaux. Comme le constate Justin Webb, promoteur immobilier à Dallas, "le dernier arrivé veut souvent fermer la porte à clé".
Cette résistance au développement n'est pas limitée au Texas. De Phoenix à Atlanta, en passant par Orlando ou Las Vegas, les promoteurs font face à des procédures de plus en plus lourdes et à une opposition croissante des riverains. Mike Vasquez, constructeur en Arizona depuis 43 ans, témoigne de cette bureaucratie croissante qui l'a finalement poussé à déménager ses activités en Caroline du Nord.
Si cette tendance se poursuit, les villes du Sun Belt pourraient bien connaître dans 20 ans une crise du logement aussi grave que celle qui frappe aujourd'hui les métropoles côtières. Certaines villes, comme Raleigh en Caroline du Nord, ont pris les devants en réformant leurs réglementations pour faciliter la construction. Mais ces réformes se heurtent souvent à une forte opposition locale.
Les législateurs du Sun Belt sont désormais sous pression pour agir. Le Texas a récemment adopté des mesures visant à limiter le pouvoir des opposants aux projets immobiliers et à faciliter la construction de logements multifamiliaux. Ces États qui se targuent d'être plus favorables aux entreprises que les États démocrates ont maintenant l'occasion de le prouver en évitant de reproduire les erreurs qui ont conduit à la crise actuelle sur les côtes.