Afrique du Sud : Ramaphosa rencontre Trump dans un sommet à haut risque, craintes d’un scénario à la Zelensky
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa s’entretiendra ce mercredi avec Donald Trump à la Maison Blanche lors d’une rencontre cruciale qui pourrait apaiser ou envenimer les relations déjà tendues entre les deux nations. Ramaphosa espère mettre fin à un différend diplomatique ayant entraîné l’annulation d’aides américaines et l’expulsion de l’ambassadeur sud-africain aux États-Unis. Cependant, certains redoutent un échec similaire à la rencontre houleuse entre Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky en février dernier.
Les tensions actuelles pourraient également coûter à l’Afrique du Sud certains privilèges commerciaux avec les États-Unis. Cette visite intervient une semaine après l’arrivée sur le sol américain de 59 Sud-Africains blancs ayant obtenu le statut de réfugié. Trump et son allié Elon Musk, originaire d’Afrique du Sud, affirment que ces personnes sont persécutées dans leur pays d’origine.
Le secrétaire d’État américain Marco Rubio a déclaré mardi qu’il était dans l’intérêt national des États-Unis de prioriser la réinstallation des Sud-Africains blancs, les qualifiant de « sous-groupe plus facile à contrôler ». Bien qu’il n’ait pas nié que leur race soit un facteur, Rubio a insisté sur leur prétendue persécution. L’administration Trump critique vivement la loi sur l’expropriation foncière adoptée cette année en Afrique du Sud pour corriger les inégalités raciales historiques.
Cette loi permet au gouvernement sud-africain de saisir et redistribuer des terres sans compensation dans certains cas, si cela est jugé « juste, équitable et dans l’intérêt public ». Sous le régime discriminatoire de l’apartheid, qui a pris fin dans les années 1990, les Noirs sud-africains ont été spoliés de leurs terres au profit des Blancs. Aujourd’hui, bien qu’ils représentent plus de 80 % de la population, les Noirs ne possèdent que 4 % des terres privées.
Trump a affirmé, sans preuve, que les terres des Blancs – qui détiennent 72 % des terres agricoles – étaient confisquées et a évoqué un « génocide » en cours contre eux, citant des attaques non vérifiées contre des fermiers blancs. Les autorités sud-africaines ont fermement rejeté ces allégations, le ministre de la Police Senzo Mchunu soulignant l’absence de preuves d’un « génocide blanc ».
Trump désapprouve également la plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud contre Israël, allié des États-Unis, devant la Cour internationale de Justice. Selon le bureau de Ramaphosa, ce dernier abordera avec Trump des questions bilatérales, régionales et mondiales d’intérêt commun. Les analystes estiment que cette rencontre pourrait marquer un tournant dans leurs relations tendues.
Les États-Unis sont le deuxième partenaire commercial de l’Afrique du Sud, qui bénéficie largement d’un accord commercial lui offrant un accès en franchise de droits au marché américain. Cependant, certains législateurs américains souhaitent supprimer ces avantages lors de la révision de l’accord cette année.
Neo Letswalo, chercheur à l’Université de Johannesburg, décrit cette rencontre comme décisive et exigeant une « tactique de négociation suprême » de la part de Ramaphosa. Il rappelle la confrontation verbale entre Trump, son vice-président JD Vance et Zelensky en février, soulignant que le Bureau ovale est désormais « un endroit délicat ».
D’autres analystes, comme Christopher Afoke Isike de l’Université de Pretoria, pensent que Ramaphosa, en tant que président homme d’affaires, peut réussir à apaiser les tensions. Ramaphosa compte également discuter d’un éventuel accord avec Starlink, le service internet satellitaire d’Elon Musk, pour adoucir les relations.
Le porte-parole Vincent Magwenya a confirmé à CNN des discussions avec Starlink pour son implantation en Afrique du Sud. Ramaphosa a déclaré vouloir conclure « un très bon accord commercial » avec les États-Unis. La délégation sud-africaine inclura le golfeur Ernie Els, tandis que Musk devrait également assister à la réunion.
Certains responsables américains craignent toutefois que la rencontre ne tourne au cauchemar, évoquant un possible remake de l’altercation avec Zelensky. Pour Letswalo, une demande américaine de retrait de la loi sur l’expropriation ou de la plainte contre Israël serait un obstacle majeur.
André Duvenhage, professeur à l’Université du Nord-Ouest, estime que ce défi pourrait être le plus difficile de la présidence de Ramaphosa. La manière dont il défendra la souveraineté sud-africaine sans rompre avec les États-Unis sera déterminante pour l’avenir des relations bilatérales.