Une décision encourageante sur la non-délégation, bien qu'imparfaite
Dans un arrêt rendu aujourd'hui par la Cour suprême des États-Unis dans l'affaire FCC c. Consumers' Research, une majorité de 6 juges contre 3 a confirmé l'autorité de la Federal Communications Commission (FCC) pour imposer des prélèvements aux opérateurs de télécommunications afin de financer un "Fonds de service universel". Ce fonds vise à subventionner les services de télécommunications pour les consommateurs à faible revenu, les populations rurales et d'autres groupes qui pourraient autrement en être privés. La Cour a rejeté l'argument selon lequel la loi de 1996 autorisant ces prélèvements violerait le principe de non-délégation, qui limite le transfert du pouvoir législatif à l'exécutif. Cependant, l'opinion majoritaire rédigée par la juge Elena Kagan souligne également des limites constitutionnelles importantes à la délégation de pouvoirs. Elle affirme notamment qu'une délégation de "pouvoir illimité" pour imposer des frais serait inconstitutionnelle. La majorité a validé les prélèvements uniquement parce que la loi de 1996 impose des contraintes obligatoires à la discrétion de la FCC, notamment en fixant un "plancher" et un "plafond" aux montants pouvant être collectés et à leurs usages autorisés.
L'organisation Consumers' Research soutenait que le terme "suffisant" dans la loi ne constituait pas une limite adéquate, car il ne fixerait qu'un plancher sans plafond, permettant théoriquement à la FCC de lever jusqu'à 5 000 milliards de dollars. La Cour a rejeté cet argument en expliquant que "suffisant" implique à la fois un minimum nécessaire et un maximum raisonnable. Un montant devenant excessif ne serait plus "suffisant" au sens légal. Par ailleurs, la juge Kagan précise qu'un simple plafond numérique ne suffit pas à éviter les problèmes de non-délégation si l'exécutif conserve un pouvoir discrétionnaire trop large. Elle illustre ce point par un hypothétique plafond de 5 000 milliards qui, bien que chiffré, équivaudrait à une délégation excessive de pouvoir législatif.
Dans une opinion concordante, le juge Brett Kavanaugh réaffirme que le critère du "principe intelligible" n'est pas dépourvu de force, tout en notant que les contraintes de non-délégation sont plus souples en matière de sécurité nationale et de politique étrangère. Ces développements pourraient influencer les contestations contre l'utilisation par l'ancien président Trump de l'International Emergency Economic Powers Act (IEEPA) pour imposer des tarifs douaniers massifs. L'administration Trump interprétait en effet l'IEEPA comme lui accordant un pouvoir discrétionnaire illimité pour déterminer les montants et les situations d'urgence justifiant des tarifs. L'arrêt actuel semble incompatible avec une telle lecture.
Dans son opinion dissidente, le juge Neil Gorsuch estime que la majorité a mal interprété la loi applicable et que les impositions fiscales devraient être soumises à des contraintes de non-délégation plus strictes. Bien que la Cour ait validé la délégation en l'espèce, Gorsuch reconnaît que la majorité a clairement indiqué qu'elle n'accepterait pas certaines abdications du pouvoir législatif. Cet arrêt, bien qu'imparfait, renforce donc significativement la doctrine de non-délégation contre les excès du pouvoir exécutif.