Trump est condamné à perdre la guerre commerciale : une stratégie multilatérale vouée à l'échec
L'histoire nous enseigne qu'aucun pays n'a jamais tiré avantage d'une guerre menée sur plusieurs fronts simultanément. Le président américain Donald Trump semble ignorer cette leçon fondamentale en engageant des conflits commerciaux avec la quasi-totalité de la planète, une stratégie qui s'annonce désastreuse pour l'économie américaine.
Après la Première Guerre mondiale, le commandement allemand avait pourtant tiré une leçon cruciale : éviter à tout prix une guerre sur deux fronts. Le pacte Molotov-Ribbentrop de 1939 avec l'Union soviétique devait garantir cette sécurité. Mais Hitler, incapable de respecter cet accord, plongea l'Allemagne dans un nouveau conflit mondial aux conséquences catastrophiques.
Cette même logique s'applique aux guerres commerciales. S'attaquer à un partenaire commercial peut se justifier, mais déclarer la guerre économique au monde entier relève de la folie. Comme le soulignait avec humour le comédien Norm Macdonald en 2015, l'Allemagne a commis deux fois la même erreur en s'attaquant successivement au monde entier lors des deux guerres mondiales.
En avril 2018, jour que Trump avait pompeusement baptisé 'Jour de la Libération', les États-Unis ont imposé des droits de douane à la plupart des pays, y compris à des alliés traditionnels et à des nations n'ayant pourtant pas de surplus commercial avec l'Amérique. Cette décision unilatérale a provoqué un ressentiment généralisé et accéléré l'émergence d'un système commercial post-américain.
Le Japon, la Corée du Sud, la Chine et les pays de l'ASEAN négocient activement de nouveaux accords commerciaux. L'Union européenne et la Chine renforcent leur coopération économique. Le Canada, quant à lui, se tourne vers l'UE pour diversifier ses échanges. Face à cette mobilisation générale, Trump persiste à croire en la domination incontestée des États-Unis.
Cette croyance relève pourtant de l'aveuglement. Les industries américaines de pointe, comme Boeing, Merck ou General Electric, dépendent crucialement des marchés mondiaux. Les mesures protectionnistes de Trump augmentent leurs coûts de production tout en les excluant progressivement des marchés étrangers, au profit de concurrents asiatiques et européens.
Pire encore, l'agressivité commerciale américaine sert de prétexte à l'UE pour promouvoir son 'EuroStack', une stratégie visant à substituer les technologies américaines par des alternatives européennes. Dans le domaine militaire comme dans les hautes technologies, l'Europe privilégie désormais ses propres productions.
La stratégie de substitution aux importations (ISI) que Trump tente d'appliquer a pourtant échoué partout où elle a été expérimentée. Les pays asiatiques comme la Corée du Sud ou Taïwan, qui ont opté pour des stratégies exportatrices, ont connu bien plus de succès que les nations ayant suivi la voie protectionniste.
Alors que les États-Unis s'isolent, la Chine consolide sa position d'hégémon commercial. Pékin profite du retrait américain des institutions internationales pour étendre son influence. Déjà, des pays comme le Brésil ou la Colombie, traditionnellement proches des États-Unis, se tournent vers la Chine pour négocier des accords commerciaux.
Ironie de l'histoire, c'est désormais la Chine qui apparaît comme le défenseur du libre-échange et de la solidarité internationale, comme l'a récemment souligné Xi Jinping dans une tribune dénonçant l'unilatéralisme américain.
Certes, certaines mesures protectionnistes de Trump étaient justifiées face aux pratiques commerciales déloyales de la Chine, notamment en matière de vol de propriété intellectuelle et de transferts technologiques forcés. Mais au lieu de cibler stratégiquement les principaux contrevenants, Trump a choisi une approche globale contreproductive.
Une stratégie plus efficace aurait consisté à concentrer les efforts sur quelques pays comme le Vietnam, l'Indonésie ou l'Inde, en leur donnant un délai pour se conformer aux règles. Il aurait fallu prioriser les secteurs clés pour la compétitivité américaine, comme les hautes technologies, plutôt que de s'attaquer à des produits secondaires.
En l'absence d'une telle approche rationnelle, les États-Unis risquent de se retrouver isolés sur la scène commerciale internationale, à l'image de l'Allemagne avant les deux guerres mondiales. Mais contrairement à cette époque, les entreprises américaines ont aujourd'hui impérativement besoin d'accéder aux marchés mondiaux pour survivre, alors que la Chine est prête à prendre leur place.
Sans un revirement stratégique rapide, les conséquences pour l'économie américaine pourraient s'avérer bien plus désastreuses que ne l'imagine l'administration Trump.