Urgence sanitaire : pourquoi le CDC américain a réduit ses alertes publiques malgré la propagation des maladies
Depuis l'arrivée de l'administration Trump en janvier, les canaux de communication du CDC (Centers for Disease Control and Prevention) avec le public se sont progressivement tus, selon une enquête exclusive de NPR. Cette réduction des alertes sanitaires intervient pourtant dans un contexte de propagation active de maladies comme la rougeole, la salmonellose ou les hépatites.
Le CDC, dont la mission est de protéger la santé des Américains, a cessé d'envoyer ses bulletins d'information réguliers et ses alertes sanitaires aux professionnels de santé. Ses comptes sur les réseaux sociaux, désormais sous contrôle du HHS (Department of Health and Human Services), ne publient quasiment plus.
'La santé publique fonctionne mieux quand ses experts peuvent communiquer en temps réel', déplore Kevin Griffis, ancien directeur de la communication du CDC. 'Ce silence pourrait mettre des vies en danger.' Quatre employés actuels et anciens du CDC, dont trois anonymes par crainte de représailles, confirment cette situation préoccupante.
Avant janvier, le CDC gérait librement ses communications. Ses scientifiques publiaient régulièrement des recommandations sur Facebook, X (ex-Twitter) et via 150 newsletters thématiques. Ces informations vitales atteignaient des millions d'Américains et des dizaines de milliers de professionnels de santé.
Tout a changé après l'inauguration de Trump. Le HHS a imposé un gel des communications externes, interrompant même le Morbidity and Mortality Weekly Report, publication scientifique de référence. Bien que partiellement rétablie en février, la communication reste soumise à une lourde censure.
En avril, des milliers d'employés fédéraux ont été licenciés, dont presque toute l'équipe communication du CDC. Conséquence : l'agence s'est retrouvée bloquée hors de ses propres comptes sociaux, les mots de passe étant détenus par des employés désormais renvoyés.
Le seul compte encore actif, celui sur X, ne relaie plus que des messages politiques vantant le secrétaire au HHS Robert F. Kennedy Jr., au grand dam des scientifiques. 'C'est de la propagande', jugent trois employés, consternés par ce détournement de leur mission scientifique.
Les conséquences sont potentiellement mortelles. 'Sans alertes rapides sur des risques comme la listériose, des femmes enceintes pourraient perdre leur bébé', alerte le Dr Jodie Guest, épidémiologiste à l'université Emory. Pendant ce temps, des épidémies de rougeole et d'intoxications alimentaires continuent de se propager à travers le pays.
Interrogé par NPR, le HHS nie ces allégations, qualifiant les inquiétudes des employés de 'fausses rumeurs'. Pourtant, les chiffres parlent d'eux-mêmes : là où le compte X du CDC publiait 90 messages en avril 2023, il n'en a émis qu'une poignée depuis avril 2024, principalement pour relayer la communication politique du secrétariat.
Cette situation crée un dangereux vide informationnel dans un pays où plus de 100 millions d'Américains souffrent de maladies chroniques. Les experts s'inquiètent : sans accès aux recommandations scientifiques du CDC, comment les citoyens peuvent-ils encore protéger efficacement leur santé ?