Énergie solaire en Afrique du Sud : une transition verte qui creuse les inégalités raciales
L'Afrique du Sud fait face à une transition énergétique à deux vitesses, où l'adoption massive de l'énergie solaire profite principalement aux communautés blanches aisées, perpétuant ainsi les divisions héritées de l'apartheid. Une étude récente utilisant des images satellites révèle que les quartiers riches, majoritairement blancs, restent illuminés la nuit grâce aux panneaux solaires, tandis que les zones défavorisées, habitées par la population noire, plongent dans le noir pendant les coupures de courant.
Entre 2016 et 2023, les chercheurs ont analysé des images satellites nocturnes de 300 quartiers sud-africains, qu'ils ont croisées avec des données de recensement et des images diurnes des toitures. Leur constat est sans appel : l'éclairage nocturne a diminué de 20% dans les zones urbaines, mais cette baisse est deux fois plus marquée dans les quartiers noirs que dans les quartiers blancs.
L'étude montre que les inégalités d'accès à l'énergie solaire sont frappantes. Dans le riche quartier de Rietriver Country Estate près de Johannesburg, on compte en moyenne 13 panneaux solaires par maison. À Benoni, une ville de classe moyenne, ce nombre tombe à un seul panneau par foyer. Et dans le township pauvre de Thembisa, où les habitants gagnent en moyenne 740 rands (41 dollars) par mois, aucun panneau solaire n'a été détecté.
Cette disparité reflète les divisions spatiales créées sous l'apartheid. Les chercheurs parlent d'« apartheid énergétique » : l'accès à l'énergie propre suit toujours les lignes raciales établies pendant la période de ségrégation. Pourtant, la loi sud-africaine sur la régulation de l'électricité vise à garantir un accès égal à l'énergie pour tous.
Face à cette situation, les chercheurs proposent plusieurs solutions : des crédits d'impôt pour les ménages à faible revenu, des modèles de propriété collective des panneaux solaires, ou encore des subventions ciblées comme des prêts à taux zéro. Ces mesures doivent être conçues en collaboration avec toutes les parties prenantes et tenir compte des besoins spécifiques des différents foyers sud-africains.
L'étude met en garde contre le risque que la transition verte ne fasse qu'aggraver les inégalités existantes si elle n'est pas menée de manière inclusive. Sans un accès équitable aux énergies renouvelables, des millions de Sud-Africains risquent de rester dans l'obscurité, littéralement et figurativement, pendant que les plus privilégiés bénéficient seuls des avantages de l'énergie solaire.