Le revirement de Starmer sur l'allocation de chauffage hivernal: Un chemin semé d'embûches avec les députés et les électeurs
Le revirement politique - tradition considérée comme honorable ou honteuse dans la politique britannique - hante désormais le Premier ministre Keir Starmer. Il est critiqué après avoir laissé entendre que le gouvernement pourrait reconsidérer sa décision de l'année dernière de supprimer l'allocation de chauffage hivernal pour des millions de retraités.
L'allocation de chauffage hivernal est une somme forfaitaire de 200 à 300 livres sterling pour aider les ménages de retraités à payer leurs factures de chauffage. En 2024, le gouvernement a restreint l'éligibilité aux seuls bénéficiaires du crédit-retraite ou d'autres prestations sous condition de ressources, afin d'économiser 1,4 milliard de livres.
Sous la pression prolongée des députés travaillistes, particulièrement après les élections locales, Starmer a semblé confirmer lors des questions au Premier ministre le 21 mai que le gouvernement ajusterait le seuil de revenu (le montant reste flou) pour élargir le champ des bénéficiaires.
Un point de vue y voit un ajustement tardif mais nécessaire après l'échec du Parti travailliste aux élections locales. Cependant, céder à la pression pourrait créer un précédent dangereux, incitant les députés à exiger l'abandon des coupes budgétaires dans les prestations sociales.
Les deux perspectives sont valables. Les sondages montrent que la suppression de l'allocation est l'une des mesures les plus impopulaires depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement. Malgré un déficit public de 22 milliards, retirer une prestation universelle à un groupe valorisé par les électeurs s'avère toxique politiquement.
La question actuelle est l'ampleur du revirement. Starmer a évoqué un réexamen du seuil de revenu sans préciser la modification. S'agit-il vraiment d'un revirement complet sans rétablissement intégral de l'allocation?
Cette question dépasse la sémantique. C'est un enjeu politique crucial : Un ajustement complexe (et coûteux) suffira-t-il à convaincre un électorat déçu ? Starmer peut-il faire accepter l'idée d'un gouvernement reconnaissant ses erreurs ?
L'histoire montre que les revirements réussis sont nets et radicaux. L'exemple emblématique reste l'abolition de la poll tax par John Major en 1990. Contrairement à Margaret Thatcher, Major n'a pas préservé le principe d'un impôt par tête mais est revenu à une taxe ménagère.
Concernant les précédents parlementaires, une fois que les députés réalisent qu'ils peuvent bloquer des mesures nuisant à leur réélection, ils agissent - peu importe l'intérêt national. Ce phénomène s'est illustré par les sabotages répétés des projets de logement par les députés conservateurs.
Cela ne signifie pas que Starmer et Reeves échoueront dans leurs coupes budgétaires. Le Parti travailliste dispose d'une large majorité, et ses députés ne sont pas (encore) habitués à se rebeller comme les conservateurs après 14 ans au pouvoir.
De plus, avec quatre ans avant les législatives et le discours médiatique sur les 'fraudeurs sociaux', l'opinion soutient davantage les coupes dans les aides sociales que dans le budget du NHS (Service national de santé).
L'efficacité du revirement de Starmer (s'il en est un) reste à prouver, tant électoralement qu'en termes de contrôle parlementaire. Le paradoxe qu'il affronte est clair : Pour convaincre, un changement radical est nécessaire ; mais cela risque de compliquer sa tâche au Parlement.
Comme l'économiste JK Galbraith le disait au président américain John F. Kennedy : 'La politique n'est pas l'art du possible. C'est l'art de choisir entre le désastreux et le désagréable'.