L'héritage tumultueux de Jimmy Buffett : un conflit juridique qui sert de leçon
Les avocats répètent souvent à leurs clients l'importance de rédiger un testament clair pour déterminer qui héritera de leurs biens après leur mort. Pourtant, même un testament ne suffit pas toujours à éviter des litiges juridiques coûteux et conflictuels. L'affaire de la succession de Jimmy Buffett, décédé d'un cancer de la peau à 76 ans en 2023, en est un parfait exemple. Le chanteur et entrepreneur, fondateur de la marque Margaritaville, avait ordonné dans son testament que sa fortune soit placée dans une fiducie après son décès. Pour gérer cette fiducie, Buffett avait désigné deux co-fiduciaires : son épouse, Jane Slagsvol, et Richard Mozenter, un comptable qui avait été son conseiller financier pendant plus de trente ans. Cependant, en juin 2025, des requêtes concurrentes ont été déposées à Los Angeles et Palm Beach, en Floride, par Slagsvol (identifiée sous le nom de Jane Buffett dans son dossier juridique) et Mozenter, chacun cherchant à évincer l'autre en tant que fiduciaire. L'issue de ce litige déterminera qui administrera la succession de 275 millions de dollars de Buffett. En tant que professeurs de droit spécialisés dans les fiducies et les successions, nous enseignons des cours sur le transfert de propriété pendant la vie et après la mort. Nous pensons que le conflit Buffett offre une leçon précieuse pour toute personne ayant un patrimoine, grand ou petit. Choisir la bonne personne pour gérer les biens laissés derrière soi peut être tout aussi important que de sélectionner qui héritera de ces biens. La succession de Buffett comprend des droits d'auteur précieux provenant de ses chansons à succès, comme "It's 5 O'Clock Somewhere", "Oldest Surfer on the Beach" et "Cheeseburger in Paradise". Ses albums se sont vendus à plus de 20 millions d'exemplaires dans le monde et continuent de générer environ 20 millions de dollars par an en royalties. Buffett possédait également un yacht, des biens immobiliers, des avions, des montres de luxe et des titres financiers. De plus, il détenait 20 % des parts de Margaritaville Holdings LLC, une société de gestion de marques qu'il avait fondée avec Slagsvol dans les années 1990. Margaritaville possède 30 restaurants, 20 hôtels, ainsi que des clubs de vacances, des casinos et des navires de croisière. Elle vend également des produits dérivés. Selon la requête de Slagsvol, la fiducie de Buffett a été créée pour bénéficier à son épouse. Slagsvol, mariée à Buffett en 1977, est l'une des deux fiduciaires de cette fiducie, qui doit comporter au moins un "fiduciaire indépendant" en plus d'elle "à tout moment". Cette exigence est clairement énoncée dans la déclaration de fiducie de Buffett. Slagsvol reçoit tous les revenus générés par la fiducie – une technique de planification successorale consistant à confier la gestion des biens à un fiduciaire au nom des bénéficiaires – pour le reste de sa vie. Elle peut également recevoir des fonds supplémentaires pour ses soins de santé, ses frais de vie et "tout autre objectif" que le fiduciaire indépendant – Mozenter, à partir de juillet 2025 – juge dans son intérêt. Le plan successoral a également créé des fiducies distinctes pour leurs trois enfants : Savannah, Sarah "Delaney" et Cameron Buffett, âgés de 30 à 40 ans. Chaque enfant aurait reçu 2 millions de dollars à la mort de Jimmy. Lorsque Slagsvol mourra, elle pourra décider qui recevra les actifs restants parmi les descendants de Buffett et des œuvres caritatives. La structure du plan de Buffett est populaire parmi les couples mariés fortunés. Il offre un soutien à vie au conjoint survivant tout en garantissant que leurs enfants et petits-enfants puissent hériter du reste de la succession – même si ce conjoint se remarie. Ce type de fiducie ne peut généralement pas être modifié par le conjoint survivant sans l'approbation du tribunal. Slagsvol cherche à évincer Mozenter en tant que fiduciaire indépendant. Elle affirme qu'il a refusé de répondre à ses demandes d'informations financières, n'a pas coopéré avec elle en tant que co-fiduciaire, et a engagé un avocat qui l'a poussée à démissionner. Slagsvol a également soulevé des questions sur les projections de revenus de la fiducie et la rémunération de Mozenter. La requête de Mozenter, déposée en Floride, n'est pas publique. Selon les médias, il cherche à évincer Slagsvol, affirmant que Buffett avait exprimé des inquiétudes sur sa capacité à gérer ses actifs après sa mort, ce qui l'a conduit à créer une fiducie limitant son contrôle. Nous pensons que le public peut tirer deux leçons importantes de ce litige. Premièrement, il est crucial de choisir les bonnes personnes pour gérer le transfert de ses biens après sa mort, qu'il s'agisse d'un professionnel ou d'un proche. Environ 56 % des testaments désignent un enfant ou petit-enfant comme exécuteur testamentaire. Deuxièmement, il faut préciser les conditions justifiant le remplacement d'un fiduciaire. Les tribunaux hésitent à écarter un fiduciaire choisi sans preuve de négligence, fraude ou déloyauté. Certaines fiducies prévoient ces conflits en permettant aux bénéficiaires de remplacer un fiduciaire professionnel par un autre. Prévenir les litiges peut éviter des procédures coûteuses et embarrassantes comme celle entourant la succession de Jimmy Buffett.