Les 'rois-dieux' incestueux n'auraient finalement pas régné sur l'Irlande néolithique
En 2020, une découverte archéologique majeure à Newgrange, en Irlande, avait fait sensation : des fragments de crâne humain vieux de 5 000 ans révélaient que l'individu était issu d'une relation incestueuse. Cette trouvaille avait conduit à une théorie audacieuse : l'Irlande néolithique aurait été gouvernée par des dynasties royales pratiquant l'inceste, voire par des 'rois-dieux' semblables à ceux des empires égyptien et inca. Cependant, une nouvelle étude publiée le 22 juin dans la revue Antiquity remet en question cette hypothèse.
Newgrange, classé au patrimoine mondial de l'UNESCO, est un immense tertre funéraire construit vers 3100 avant notre ère. Le site, redécouvert en 1699, a fait l'objet de fouilles approfondies à partir de 1962. Parmi les restes humains exhumés, le fragment de crâne baptisé NG10, daté entre 3340 et 3020 avant notre ère, avait particulièrement retenu l'attention des chercheurs.
L'analyse génétique initiale de NG10 suggérait que cet individu était le produit d'une union entre frères et sœurs ou entre parent et enfant. Les auteurs de l'étude de 2020 y voyaient la preuve d'une pratique réservée aux élites politico-religieuses, comparable à celle observée dans d'autres civilisations anciennes. Mais pour l'archéologue Jessica Smyth de l'University College Dublin, cette interprétation ne résiste pas à un examen plus approfondi.
Smyth et son équipe soulignent que la plupart des autres squelettes de Newgrange ne présentent pas de traces d'inceste. Les liens génétiques identifiés dans les tombes à couloir correspondent plutôt à des relations familiales éloignées, comme des cousins au deuxième degré. Selon eux, les critères de sélection pour être inhumé dans ces monuments restent mystérieux, mais ne semblent pas liés à une quelconque dynastie royale.
De plus, les pratiques funéraires de l'époque néolithique en Irlande différaient radicalement des nôtres. Les corps n'étaient pas enterrés intacts, mais souvent décomposés, incinérés et même circulés parmi les communautés avant d'être déposés dans les mégalithes. Pour les chercheurs, extrapoler une structure sociale complexe à partir d'un seul exemple d'inceste relève de la spéculation.
L'étude conclut qu'il est réducteur de projeter nos conceptions modernes du pouvoir sur ces sociétés anciennes. Plutôt que de chercher à tout prix des traces de monarchie, les archéologues devraient s'intéresser davantage aux dynamiques collectives qui ont présidé à la construction de ces monuments impressionnants.