La puissance chinoise : une réalité surestimée ?
La montée en puissance de la Chine est souvent décrite comme irrésistible. Pourtant, derrière les apparences d'une économie dominante se cachent des inefficacités structurelles, des innovations surévaluées et des dépendances technologiques profondes. Malgré ses ambitions, la Chine reste coincée dans un piège : elle aspire à devenir une superpuissance high-tech tout en conservant une productivité et un profil d'exportation typiques d'un pays à revenu intermédiaire.
La productivité totale des facteurs (PTF) de la Chine, un indicateur clé de l'efficacité économique, stagne voire régresse malgré des investissements massifs en R&D. Comme le soulignent les économistes Alexander Hammer et Shahid Yusuf, le pays est pris dans un « piège high-tech à faible productivité ». Les dépenses en R&D, souvent dirigées par l'État, favorisent les entreprises proches du pouvoir plutôt que l'innovation réelle. La recherche fondamentale, essentielle pour les percées technologiques, ne représente que 6 % des dépenses totales de R&D, contre plus de 20 % dans les économies développées.
L'environnement politique et réglementaire freine également l'innovation. Les agences centralisées comme l'Administration du cyberespace de Chine exercent un contrôle strict sur les entreprises technologiques, créant de l'incertitude. Au niveau local, les liens personnels avec les fonctionnaires limitent la concurrence équitable. Le chômage des jeunes et la préférence pour les emplois publics plutôt que l'entreprenariat sapent les ambitions d'une économie dynamique et innovante.
La structure des exportations chinoises révèle également des limites. Bien que le pays soit un géant manufacturier, il reste dépendant des technologies étrangères pour les composants clés, notamment dans les semi-conducteurs. Contrairement aux économies avancées, la Chine exporte encore majoritairement des produits à faible ou moyenne valeur ajoutée. Même l'Inde, avec des investissements en R&D bien moindres, a récemment dépassé la Chine en croissance de la PTF.
Le secteur de l'intelligence artificielle (IA), souvent présenté comme un fleuron de l'innovation chinoise, illustre ces contradictions. Bien que la Chine dispose d'un avantage en termes de données grâce à sa population massive, elle reste à la traîne dans la recherche fondamentale et le matériel de pointe. Des projets comme DeepSeek, bien qu'impressionnants techniquement, sont largement inspirés des outils occidentaux et soutenus par des subventions étatiques. L'IA chinoise est davantage orientée vers la surveillance et la gestion sociale que vers des innovations révolutionnaires.
En conclusion, malgré des progrès économiques indéniables, la Chine reste loin de sa prétention à la suprématie technologique. Sans réformes structurelles pour encourager la concurrence, investir dans la recherche fondamentale et libérer l'innovation ascendante, le risque de stagnation persiste. La réalité est plus nuancée que le récit dominant : la Chine est une puissance ambitieuse, mais ses limites sont réelles.