D&D et Racisme I : Races Fictionnelles et Racisme - Un Débat Qui Divise
Il y a quelques années, Wizards of the Coast (WotC), propriétaire de Dungeons & Dragons, a publié une déclaration sur la diversité. Comme prévu, les réponses ont divergé selon les lignes idéologiques, alimentant une guerre culturelle qui persiste encore aujourd'hui. Ce débat me touche personnellement : joueur de D&D depuis 1979 et écrivain professionnel de jeux depuis 1989, je suis impliqué à la fois sur le plan ludique et philosophique. La déclaration de WotC aborde trois points principaux : le racisme dans le monde réel, la représentation des races fictionnelles (comme les orcs et les drows) dans le jeu, et les stéréotypes racistes dans des produits comme *Curse of Strahd*. Cet essai se concentrera sur les enjeux in-game.
Avant d’aborder ces questions, il faut écarter certains arguments fallacieux. WotC ne peut pas contrôler ce que les joueurs font dans leurs parties. Les changements de politique ne s’appliquent qu’aux productions officielles, et toute censure relève donc de l’autocensure. Les attaques ad hominem contre WotC, qu’elles les accusent de marketing « woke » ou de complaisance envers les « snowflakes », sont irrelevantes pour évaluer leurs propositions.
Traditionnellement, des races comme les orcs et les drows sont décrites comme « monstrueuses et mauvaises ». WotC s’inquiète que ces descriptions reflètent des stéréotypes racistes réels. Leur solution ? Montrer que ces peuples ont la même liberté de choix que les humains. Pour les contenus problématiques (comme la représentation des Roms dans *Curse of Strahd*), WotC promet des réécritures.
Ces changements soulèvent des questions morales et esthétiques. Certains défendent les portrayals traditionnels par l’appel à la tradition (comme les orcs tolkieniens) ou la métaphysique du jeu (alignement bon/mauvais objectif). Mais ces justifications ignorent que, dans la réalité, le racisme s’appuie aussi sur des récits de bien et de mal. WotC note que les mondes fantasy reflètent souvent les préjugés du monde réel.
Une contre-argumentation affirme que les joueurs distinguent fiction et réalité. Jouer un personnage haïssant les « peaux vertes » ne fera pas de lui un raciste. Mais, comme le soulignait Platon, l’art influence nos émotions et habitudes. Aristote ajouterait que les joueurs s’habituent aux comportements pratiqués en jeu. Sans aller jusqu’à faire des joueurs des suprémacistes blancs, ces expériences peuvent normaliser des schémas racistes.
Une approche kantienne suggère que le racisme fictionnel est condamnable en soi, indépendamment de ses effets. Mais cela pose une question : ces arguments ne s’appliquent-ils pas aussi à la violence, cœur de D&D ? J’explorerai cela dans un prochain essai.