L'Amérique recule, d'autres avancent : le vide laissé par les États-Unis sur la scène mondiale
Récemment à Genève, lors d'un entretien avec l'ambassadeur d'un pays allié, une remarque a retenu mon attention. Devant le Palais des Nations, siège européen de l'ONU, ce diplomate a constaté avec regret que les États-Unis n'étaient plus le centre de gravité des décisions multilatérales. « Avant, nous attendions toujours la position américaine avant de nous engager sur un sujet important. Aujourd'hui ? Cela ne nous importe plus », a-t-il déclaré. Ce constat reflète une réalité inquiétante : en l'absence de leadership américain, d'autres puissances, notamment la Chine, comblent le vide avec des valeurs souvent éloignées des nôtres.
Les décisions prises à Genève touchent directement la vie des Américains : protocoles de sécurité aérienne, normes sanitaires, réglementations commerciales ou cybersécurité. Lorsque les États-Unis se désengagent, ces règles sont façonnées par d'autres, parfois au détriment de nos intérêts. La Chine, en particulier, déploie une stratégie à long terme pour influencer les normes internationales, des échanges commerciaux aux technologies émergentes.
Les conséquences sont durables. Une fois établies, les normes internationales peuvent mettre des décennies à être renégociées. L'absence des États-Unis aujourd'hui pourrait nous obliger demain à respecter des règles contraires à nos valeurs. Le leadership américain a historiquement reposé sur la défense d'un ordre international fondé sur des règles, même imparfait. Y renoncer affaiblit notre crédibilité et laisse le champ libre à ceux qui veulent réduire les libertés et la transparence.
Heureusement, ce déclin n'est pas irréversible. Mais il exige plus que des discours. Il faut nommer des diplomates compétents, renforcer le rôle du Département d'État et réinvestir dans les alliances internationales. Mon expérience comme ambassadeur en Turquie l'a montré : la diplomatie patiente permet des victoires durables, comme l'adhésion de l'OTAN par la Suède malgré les réticences turques.
Le Congrès doit maintenant agir. L'administration Trump semble déterminée à se désengager, mais les législateurs peuvent limiter les dégâts en priorisant le financement de la diplomatie. La visite récente de sénateurs en Ukraine prouve que le Congrès peut rassurer nos alliés. Le leadership américain n'est pas un droit acquis. C'est un choix crucial, pour notre influence comme pour les intérêts concrets des citoyens. Le monde n'attendra pas que nous nous réveillions.