Les évêques français condamnent la légalisation de l'euthanasie et prônent des alternatives bienveillantes
Par Solène Tadié, Paris, France, 31 mai 2025 / 06h00. L'Assemblée nationale française a adopté un projet de loi controversé légalisant "l'aide à mourir", une décision qualifiée par les évêques catholiques du pays de menace grave pour la dignité de la vie et le tissu social de la nation. La version amendée de la loi a été approuvée le 27 mai par 305 voix pour et 199 contre. Si les dispositions sur les soins palliatifs ont reçu un large soutien, l'article établissant un droit légal au suicide assisté et à l'euthanasie a suscité de vives critiques de la part des responsables religieux, des bioéthiciens et de divers acteurs de la société civile. Dans un communiqué publié peu après le vote, la Conférence des évêques de France (CEF) a exprimé sa "profonde inquiétude" face à l'adoption d'un prétendu "droit à l'aide à mourir". Tout en saluant le soutien de l'Assemblée à l'amélioration des soins palliatifs, la CEF a réaffirmé son opposition à l'institutionnalisation légale de l'euthanasie. Les évêques ont repris les arguments avancés dans une déclaration du 19 mai, avant le vote : "Ce texte, parmi les plus permissifs au monde, menacerait les plus fragiles et remettrait en question le respect dû à toute vie humaine." Ils ont promis de continuer à s'impliquer dans le processus législatif, qui entre maintenant dans la phase sénatoriale avant un nouvel examen par l'Assemblée plus tard dans l'année. La CEF a souligné son engagement à apporter "tous les éléments utiles pour éclairer le discernement" sur ce qu'elle qualifie de question "infiniment grave, complexe et même intimidante". Alors que le projet de loi est désormais soumis au Sénat, où les débats devraient commencer fin septembre ou début octobre, les évêques entendent rester pleinement engagés dans le débat public et législatif. S'appuyant sur l'expérience quotidienne de plus de 800 aumôniers hospitaliers, 1 500 bénévoles, 5 000 visiteurs à domicile et en maisons de retraite, ainsi que d'innombrables prêtres, diacres, religieux et laïcs impliqués dans l'accompagnement pastoral à travers la France, les évêques ont insisté sur le fait que l'Église a à la fois l'autorité et la responsabilité de parler au nom des mourants. Mgr Pierre-Antoine Bozo de Limoges, dans une interview accordée à RCF après le vote, a répondu aux inquiétudes concernant le nouveau délit d'entrave à l'accès à l'aide à mourir, que certains craignent de voir limiter la mission d'accompagnement des malades et des mourants par l'Église. L'évêque a adopté une position sereine, exhortant les catholiques à rester "très libres" dans leur engagement à soutenir les souffrants : "Leur désir doit être d'accompagner, par amour, charité, soin et fraternité, tous ceux qui souffrent, sans avoir à se demander s'ils pourraient être réprimés pour le délit d'entrave." Les responsables catholiques français n'ont ménagé aucun effort pour se faire entendre depuis l'introduction du projet de loi en 2022. Outre leurs propres initiatives institutionnelles, l'Église a participé au débat public plus large à travers la Conférence des responsables de culte en France (CRCF), cosignant une déclaration commune mettant en garde contre le fait que la "terminologie choisie - 'aide à mourir' - masque la véritable nature de l'acte : l'administration volontaire d'une substance létale". Quelques jours après avoir consacré leur veillée de prière annuelle pour la vie à Notre-Dame de Paris à la question de la fin de vie le 21 mai, les évêques d'Île-de-France ont renforcé leur message en publiant une lettre ouverte le 26 mai - veille du vote parlementaire - aux députés et sénateurs de leurs diocèses. Ils ont notamment mis en garde contre une dangereuse distorsion du langage, arguant que la loi proposée risque de redéfinir les soins comme l'acte de donner la mort. Les 11 évêques ont dénoncé ce qu'ils considèrent comme des "contradictions, contre-vérités et faux-semblants d'humanisme" sous-jacents au texte. "Comment peut-on qualifier de 'naturelle' une mort délibérément provoquée ?", ont-ils écrit. "Comment peut-on parler d'un 'droit à mourir' quand la mort est déjà inévitable ?" Les évêques ont également questionné les implications à long terme du cadre de la loi, suggérant qu'elle ouvre la porte à des extensions futures aux mineurs ou aux personnes âgées souffrant de troubles cognitifs comme la démence. L'Église a continué à bâtir des alliances avec des professionnels de santé, des juristes et des éthiciens qui se sont publiquement exprimés ces dernières années contre ce qu'ils perçoivent comme une rupture du modèle français de soins et plus largement de la civilisation chrétienne. "La mort donnée", ont réaffirmé les évêques, "n'est pas, et ne peut pas être, une forme de soin". Alors que le chemin vers la mise en œuvre se dessine encore - le gouvernement vise une promulgation d'ici 2027 -, les évêques ont souligné qu'une alternative existe déjà dans la loi Claeys-Leonetti de 2016, qui permet une sédation profonde et continue sans provoquer activement la mort. L'Église a longtemps soutenu que cette législation offre un équilibre humain entre gestion de la douleur et respect de la vie. Les évêques ont également déploré que plus de 20% des départements français n'aient toujours pas accès à des services de soins palliatifs, appelant plutôt à un investissement national sérieux dans ce domaine.