Le plan national de fibre optique menacé par Starlink : ce qui se passe vraiment avec le programme BEAD
Environ 15 % des foyers américains, particulièrement en zones rurales, n'ont accès qu'à des connexions internet médiocres. Le programme BEAD (Broadband Equity Access and Deployment), doté de 42,5 milliards de dollars, devait changer la donne en déployant un internet haut débit principalement par fibre optique. Mais l'arrivée de Howard Lutnick, nouveau secrétaire au Commerce nommé par Trump, a tout remis en question.
Lutnick a annoncé en mars une 'révision rigoureuse' du programme BEAD, qu'il juge trop 'progressiste' et bureaucratique. Selon Evan Feinman, architecte principal du projet évincé en mars, cette révision pourrait avantager des intérêts privés comme Starlink, le service satellite d'Elon Musk, au détriment des connexions fibre.
Le changement pourrait être radical : au lieu de connexions fibre rapides et stables, de nombreux foyers ruraux pourraient se retrouver avec un internet satellite plus lent, moins fiable et plus cher. Feinman estime que des 'centaines de milliers' de foyers pourraient être concernés.
Pourtant, le programme BEAD, inspiré des grands projets nationaux comme l'électrification rurale, avait un soutien bipartisan. 38 États avaient déjà sélectionné des fournisseurs, et certains comme la Virginie-Occidentale avaient même finalisé leurs plans avec des budgets excédentaires.
La Virginie-Occidentale, classée 50e sur 52 en matière de connectivité, prévoyait une fibre pour chaque foyer et entreprise. Mais avec les nouvelles directives, ces projets pourraient être revus au profit du satellite. Lutnick envisagerait même un plafond national unique qui favoriserait systématiquement les opérateurs satellite.
Les conséquences seraient lourdes : en Nevada, la proportion de fibre pourrait chuter de 80% à 30%. Pourtant, comme le souligne Brian Mitchell du bureau Nevada broadband, le satellite a sa place pour les zones très isolées, mais ne peut remplacer la fibre.
Les performances parlent d'elles-mêmes : la fibre offre jusqu'à 5 Gbps symétriques, contre une médiane de 116 Mbps en download pour Starlink selon Ookla. Sans compter que le service satellite coûte plus cher (120$/mois contre 80$ pour la fibre) avec des frais d'installation élevés.
Feinman dénonce une manœuvre pour 'enrichir l'homme le plus riche du monde' au détriment des zones rurales. 115 législateurs de 28 États ont d'ailleurs demandé à Lutnick de rendre les changements optionnels pour ne pas retarder davantage le déploiement.
Alors que des entreprises comme Sky Fiber au Nevada ont déjà investi des centaines de milliers de dollars et sont prêtes à commencer les travaux, le programme reste bloqué. Chaque mois de retard augmente les coûts et mine la confiance dans ce qui devait être une révolution numérique pour l'Amérique rurale.