Qui a poussé Trump à suspendre les rafles ? Et est-ce sincère ?
Les revirements spectaculaires du président Trump sur les rafles anti-immigration ces derniers jours peuvent sembler déroutants, mais ils révèlent des réalités fondamentales. L'importance économique des travailleurs immigrés dans l'économie américaine est indéniable, tout comme la loyauté de Trump envers les grandes entreprises qui les emploient. Pourtant, ces travailleurs ne sont pas simplement des victimes exploitées : ils ont du pouvoir et apprennent à s'en servir pour défendre leurs droits et leurs communautés. Leurs actions constituent une histoire méconnue mais bien réelle.
Selon le Département américain de l'Agriculture, 40 à 50 % des deux millions de travailleurs agricoles aux États-Unis n'ont pas d'autorisation de travail officielle. Cette situation est devenue criante pendant la pandémie, lorsque Trump a qualifié ces travailleurs d'« essentiels » - non par compliment, mais pour justifier le maintien de leur activité malgré les risques sanitaires. Beaucoup sont tombés malades ou sont morts, tandis que les profits des exploitants agricoles augmentaient.
En Californie, les 55 000 travailleurs de la fraise ont généré 2,7 milliards de dollars de revenus l'an dernier. Selon Jamshid Damooei de l'Université California Lutheran, 80 % de ces travailleurs dans la région de Santa Maria sont sans papiers. « Sans eux, il n'y a pas d'agriculture », affirme-t-il, tout en soulignant que leur salaire médian (13 000 $) est deux fois moins élevé que celui des travailleurs nés aux États-Unis.
Les travailleurs ont tenté de s'organiser pour obtenir de meilleurs salaires, mais les récentes rafles de l'ICE ont compromis ces efforts. À Oxnard, des agents ont arrêté des travailleurs dans les champs, poussant certains à « s'auto-déporter » par peur. Malgré cela, beaucoup continuent de travailler, comme Emma, une cueilleuse d'oranges : « La peur est grande, mais le besoin est plus grand encore ».
Face à cette situation, des organisations communautaires forment les familles immigrées à leurs droits. Elles distribuent des « cartes rouges » avec des conseils juridiques et enseignent qu'on n'est pas obligé d'ouvrir sa porte sans mandat judiciaire. Ces formations, organisées à travers le pays, rendent les rafles plus difficiles à mener.
Parallèlement, le programme de visas H-2A permet aux employeurs de recruter des travailleurs temporaires, souvent au détriment des travailleurs locaux. L'an dernier, 384 000 certifications H-2A ont été délivrées, contre 48 000 il y a 20 ans. Ces travailleurs temporaires, majoritairement mexicains, sont liés à un seul employeur et peuvent être renvoyés pour avoir protesté.
Des propositions législatives, comme le Registry Bill, visent à légaliser les sans-papiers établis aux États-Unis. Mais au-delà de la question des rafles, le mouvement pour les droits des immigrés réclame aussi la sécurité économique et des salaires décents pour ces travailleurs essentiels à l'économie américaine.