Thomas Piketty : 'Les opposants à l'impôt sur les ultra-riches manquent de perspective historique'
En s'opposant à la taxe minimale de 2% sur la fortune des 1 800 Français dont la valeur nette dépasse 100 millions d'euros, après l'adoption de la mesure par l'Assemblée nationale, le Sénat a démontré son décalage avec les enjeux contemporains. Cette résistance n'est pas nouvelle : entre 1896 et 1914, la chambre haute bloquait déjà l'impôt sur le revenu avec des arguments tout aussi fallacieux qu'aujourd'hui.
Les besoins de financement pour les défis sociaux et climatiques, ainsi que la dette publique, rendront toutefois cette opposition intenable. Les réalités économiques, politiques et environnementales exigeront bientôt des mesures redistributives bien plus radicales. Examinons les arguments avancés par le Sénat et les soutiens d'Emmanuel Macron.
Cette taxe est-elle confiscatoire ? L'idée ne tient pas. Selon le magazine Challenges (pourtant peu suspect de gauchisme), les 500 plus grosses fortunes françaises sont passées de 200 milliards à 1 200 milliards d'euros entre 2010 et 2025 - une hausse de 500%. Avec un prélèvement annuel de 2%, il faudrait un siècle pour revenir au niveau de 2010... en supposant aucune croissance ultérieure, alors que ces fortunes ont progressé de 7 à 8% par an depuis 15 ans.
Quid des exilés fiscaux ? Le projet de loi prévoit déjà un premier garde-fou : les milliardaires resteraient redevables de la taxe pendant cinq ans après leur départ. Mais il faut aller plus loin : qui construit sa fortune grâce aux infrastructures, à l'éducation et au système de santé français doit assumer ses obligations collectives. Une solution ? Calculer l'imposition en fonction des années passées en France. Un contribuable installé en Suisse après 50 ans en France paierait 50/51e de sa dette fiscale. Les récalcitrants s'exposeraient aux sanctions habituelles : saisies d'actifs, interpellations... comme tout citoyen lambda. Vous avez lu 37,3% de cet article. La suite est réservée aux abonnés.