La Banque mondiale finance le controversé projet hydroélectrique en RDC : les inquiétudes persistent
La Banque mondiale a récemment approuvé un financement initial de 250 millions de dollars pour le projet controversé du méga-barrage Inga 3 en République démocratique du Congo (RDC), une décision qui inquiète les organisations de la société civile. Ce projet s'inscrit dans le cadre du Grand Inga, une série de barrages sur les chutes d'Inga du fleuve Congo, devant produire à terme 42 000 mégawatts d'électricité. Inga 3, dont la capacité est estimée entre 4 800 et 11 000 MW, représente la prochaine phase de ce projet pharaonique.
« Le développement hydroélectrique d'Inga 3 sera transformateur pour la RDC », a déclaré Bob Mabiala, directeur de l'Agence pour le développement et la promotion du Grand Inga (ADPI-RDC), dans un communiqué. Thierno Bah, spécialiste senior en énergie à la Banque mondiale, a souligné par email que « le site d'Inga représente l'une des meilleures opportunités mondiales en énergie renouvelable dans un pays en grave pénurie d'énergie abordable ». Seulement 21% des 100 millions d'habitants de la RDC ont accès à l'électricité.
Cependant, Siziwe Mota, directrice du programme Afrique de l'ONG International Rivers, affirme que « l'électricité produite par Inga 3 ne bénéficiera pas aux 80% de Congolais sans accès à l'énergie, particulièrement les communautés rurales ». Elle craint que cette énergie ne soit principalement destinée à l'exportation vers d'autres pays et aux entreprises minières étrangères présentes en RDC.
La Banque mondiale avait déjà approuvé 73,1 millions de dollars pour Inga 3 en 2014, avant de suspendre son financement en 2016 en raison de modifications unilatérales du gouvernement congolais sur les modalités de mise en œuvre. Thierno Bah explique que la reprise du financement s'appuie sur des améliorations, notamment « la meilleure gestion économique du gouvernement ».
Un point litigieux remonte à 2018 : la création de l'ADPI sous l'autorité directe de la présidence congolaise, sans consultation de la Banque, soulevant des craintes d'ingérence politique. Siziwe Mota déplore que la Banque n'ait pas clarifié si ces inquiétudes étaient résolues.
Selon International Rivers, Inga 3 pourrait déplacer plus de 30 000 personnes, dont beaucoup n'ont toujours pas reçu de compensation pour leur déplacement lors de la construction d'Inga 1 et 2. « Ma famille a tout perdu à cause d'Inga 1 et 2, et nous ne sommes pas prêts à sacrifier à nouveau nos terres et nos moyens de subsistance », témoigne Angélique Mvuezolo, directrice de Femmes du Fleuve.
Siziwe Mota critique également les consultations locales, jugées insuffisantes, avec les communautés déplacées et les ONG historiquement impliquées dans le suivi du projet. Elle dénonce une présentation biaisée des avantages du projet, occultant ses impacts négatifs potentiels.
Josh Klemm, co-directeur d'International Rivers, accuse la Banque mondiale de « revenir à des méga-barrages autoritaires, menaçant les communautés et les écosystèmes, au détriment d'alternatives renouvelables décentralisées ». Thierno Bah rétorque que la Banque soutient des réseaux décentralisés d'énergies renouvelables dans certaines capitales provinciales de RDC via son initiative AGREE.
Image : Site du barrage d'Inga sur le fleuve Congo par International Rivers via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).