Au Malawi, bien plus que les grossesses empêchent les filles d'aller à l'école : le cri d'alarme des concernées
Les fermetures d'écoles pendant la pandémie de COVID-19 au Malawi ont mis en lumière les risques encourus par les filles privées d'éducation. Si les grossesses précoces ont dominé le discours médiatique, nos recherches révèlent des obstacles systémiques bien plus profonds.
Menée de 2020 à 2023 par des universitaires canadiens en collaboration avec une activiste malawite, cette étude longitudinale a donné la parole à 22 écolières du sud du pays. Par des entretiens répétés et des journaux participatifs, nous avons recueilli leurs témoignages directs.
Contrairement au récit dominant, les participantes n'ont pas décrit la pandémie comme une rupture catastrophique, mais comme un facteur aggravant des difficultés préexistantes. Le véritable frein à leur scolarisation ? La précarité économique croissante des familles, bien plus que les grossesses adolescentes.
Prenez le cas de Faith (pseudonyme). Malgré l'école primaire "gratuite", sa famille devait payer 800 kwachas (1$) par trimestre pour les frais d'entretien. Au secondaire, ces coûts ont explosé à 20 000 kwachas (19$), sans compter les cours supplémentaires obligatoires. Sa scolarité fut régulièrement interrompue pour impayés.
Cette précarité s'aggrave avec les changements climatiques. Les mauvaises récoltes du maïs et des tomates, combinées à la volatilité des subventions agricoles, plongent les familles dans l'insécurité alimentaire. Comme Faith, nombreuses sont les filles qui sacrifient leurs repas pour payer l'école.
Le système éducatif lui-même pose problème. Dans des écoles sous-financées, les enseignants souvent absents dispensent un enseignement incomplet. "Ils posent des questions sur des chapitres jamais vus en classe", déplore Brightness, une participante. Un problème ancien lié au fardeau du VIH/sida dans la région.
Contrairement aux idées reçues, les filles interrogées réfutent l'incompatibilité entre grossesse et scolarité. Le vrai danger ? La privatisation croissante de l'éducation publique et l'incapacité des systèmes inéquitables à répondre à leurs besoins fondamentaux.
Cette étude appelle à repenser les interventions. Plutôt que de diaboliser les grossesses adolescentes, il faut s'attaquer aux racines de l'inégalité : pauvreté structurelle, insécurité alimentaire et défaillances systémiques qui précèdent et dépassent largement la crise COVID-19.