Partenariat gagnant-gagnant : Des entreprises françaises vont fabriquer des drones en Ukraine
L'invasion russe en 2022 et la résistance ukrainienne depuis plus de trois ans ont transformé les drones en l'une des armes les plus stratégiques du XXIe siècle. Cependant, selon les militaires, la France était jusqu'à présent "insuffisamment préparée" à ce bouleversement dans la guerre. Dans cette guerre d'usure et de position, les drones FPV sont rapidement devenus omniprésents et vitaux. La Russie, qui s'appuyait initialement sur les drones iraniens Shahed, a rapidement mobilisé toute la puissance de son économie de guerre pour les produire elle-même. L'Ukraine, bien que ne disposant pas de la même capacité de production, compte sur son inventivité, tant dans la construction et le développement de ses propres modèles que dans l'efficacité de leur utilisation, comme l'a démontré récemment l'opération 'Toile d'araignée'.
Kyiv peut désormais compter sur un soutien majeur dans cette guerre à distance : des entreprises françaises de l'automobile et de la défense vont produire des drones sur le sol ukrainien. Comme l'a rapporté la radio publique française, il s'agira du géant automobile Renault Group. Le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, a annoncé cette initiative sur LCI, parlant d'un partenariat "gagnant-gagnant" avec l'Ukraine. "Nous allons nous engager dans un partenariat totalement inédit où un grand groupe produisant des voitures françaises - je ne donne pas le nom car c'est à lui de l'annoncer - va s'associer à une PME française de défense pour armer des lignes de production en Ukraine afin de pouvoir produire des drones", a déclaré le ministre.
Ces drones, dont le type n'a pas été précisé, seront destinés aux Ukrainiens, "mais nous allons également les mettre à disposition de nos propres armées françaises pour que nous puissions avoir une formation tactique et opérationnelle permanente qui reflète la réalité" du conflit. En ce qui concerne l'expertise et la main-d'œuvre, la production reposera sur les épaules des Ukrainiens : ils "sont meilleurs que nous pour concevoir des drones et, surtout, développer la doctrine qui les accompagne", a admis Lecornu. "Il n'est pas non plus nécessaire de demander aux citoyens français" d'aller travailler sur la ligne de production en Ukraine.
Les Européens investissent déjà dans la production en Ukraine. Cette annonce fait suite aux discussions qui ont eu lieu le 5 juin à Bruxelles entre les ministres de la Défense ukrainien et français sur la production conjointe d'armes pour les besoins de la défense ukrainienne. "Nous sommes prêts à offrir cette opportunité aux meilleurs fabricants. L'Ukraine a une expérience de combat et la France dispose d'une solide base industrielle. C'est un partenariat stratégique et mutuellement bénéfique", a souligné le ministre ukrainien de la Défense, Rustem Umarierov, remerciant Lecornu pour son soutien.
Lors de la 28e réunion de Ramstein au siège de l'OTAN, l'Ukraine et ses partenaires ont également décidé de mettre en place un mécanisme de production d'armements. Plusieurs partenaires européens ont récemment investi dans la production de drones en Ukraine. La Finlande a mis en place une usine de fabrication de drones en coopération avec des partenaires ukrainiens pour produire des drones pour l'Ukraine et l'UE, la production en série devant commencer en 2025. Les Pays-Bas ont annoncé un investissement de 700 millions d'euros (798 millions de dollars) pour faire avancer la technologie des drones et soutenir l'industrie de défense ukrainienne. Le Royaume-Uni investit également des centaines de millions de dollars pour augmenter la production de drones pour l'Ukraine en 2025. La Norvège a redirigé ses fonds pour soutenir la production de drones ukrainiens. L'Allemagne a convenu d'une aide de 5 milliards d'euros à l'Ukraine et d'une production conjointe d'armes à longue portée.
La France a beaucoup de retard à rattraper. Selon Jean-Paul Perruche, lieutenant général et ancien directeur général de l'État-major militaire de l'Union européenne, cité par LCI, la France était jusqu'alors "insuffisamment préparée" à ce bouleversement dans les pratiques de guerre : "J'ai travaillé dans le département de recherche de l'état-major de l'armée, et nous parlions déjà de drones à la fin des années 1980. Mais le contexte à l'époque était loin d'être de haute intensité. Je pense que nous avons pris du retard sur les drones à un moment où des pays comme les États-Unis et d'autres comme la Chine avançaient à grands pas." Alors que l'armée française dispose de quelques milliers de drones (3 000 pour l'armée de terre), l'Ukraine prévoit d'utiliser plus de 4,5 millions de drones d'ici 2025, responsables de 70 % de la destruction des équipements ennemis sur la ligne de front.