Manus déclenche l'essor des agents IA en Chine : une révolution numérique en marche
L'année dernière, la Chine a connu un boom des modèles de fondation, ces modèles linguistiques polyvalents qui sous-tendent la révolution de l'IA. Cette année, l'accent s'est déplacé vers les agents IA - des systèmes moins axés sur la réponse aux requêtes des utilisateurs que sur l'accomplissement autonome de tâches pour eux. Une multitude de startups chinoises développent désormais ces outils numériques polyvalents capables de répondre aux e-mails, de planifier des vacances en naviguant sur Internet, voire de concevoir des sites web interactifs. Beaucoup ont émergé ces deux derniers mois, suivant les traces de Manus - un agent IA généraliste qui a provoqué des semaines de frénésie sur les réseaux sociaux pour ses codes d'invitation après son lancement en accès limité début mars.
Ces agents IA émergents ne sont pas eux-mêmes des grands modèles linguistiques. Ils s'appuient plutôt sur eux, utilisant une structure basée sur des workflows conçue pour accomplir des tâches. Ces systèmes introduisent également une nouvelle façon d'interagir avec l'IA. Au lieu de simplement discuter avec les utilisateurs, ils sont optimisés pour gérer et exécuter des tâches en plusieurs étapes - réserver des vols, gérer des emplois du temps, mener des recherches - en utilisant des outils externes et en mémorisant des instructions.
La Chine pourrait prendre la tête dans le développement de ce type d'agents. Ses écosystèmes d'applications étroitement intégrés, ses cycles de production rapides et sa base d'utilisateurs à l'aise avec le numérique pourraient fournir un environnement favorable à l'intégration de l'IA dans la vie quotidienne. Pour l'instant, les principales startups d'agents IA chinoises se concentrent sur le marché mondial, car les meilleurs modèles occidentaux ne fonctionnent pas derrière le pare-feu chinois. Mais cela pourrait bientôt changer : des géants technologiques comme ByteDance et Tencent préparent leurs propres agents IA qui pourraient intégrer directement l'automatisation dans leurs super-applications natives.
Manus, développé par la startup Butterfly Effect, a connu quelques mois mouvementés. La société a levé 75 millions de dollars lors d'un tour de table mené par la société de capital-risque américaine Benchmark, a fait une tournée mondiale ambitieuse pour promouvoir son produit et a embauché des dizaines de nouveaux employés. Avant même son ouverture au public en mai, Manus était devenu une référence pour ce qu'un agent IA grand public polyvalent devrait accomplir. Conçu pour aider aux tâches quotidiennes comme la planification de voyages ou les projets scolaires, il utilise un bac à sable basé sur navigateur permettant aux utilisateurs de superviser l'agent en temps réel.
Deux concurrents notables, Genspark et Flowith, affichent déjà des performances comparables ou supérieures à celles de Manus. Genspark, dirigé par d'anciens cadres de Baidu, relie de nombreux "super agents" via ce qu'il appelle l'incitation multicomposante. Flowith, quant à lui, adopte une approche différente en se présentant comme un "agent infini" où chaque question devient un nœud sur une carte arborescente, encourageant une interaction plus créative avec l'IA.
Bien que fondées par des entrepreneurs chinois, des startups comme Manus, Genspark et Flowith pourraient s'intégrer parfaitement dans la scène technologique mondiale. Les fondateurs, investisseurs et analystes estiment que les entreprises chinoises se déplacent rapidement, exécutent bien et proposent rapidement de nouveaux produits. Le marché international offre des avantages financiers significatifs, avec des clients prêts à payer plus cher.
Cependant, reproduire la même fonctionnalité en Chine représente un défi. L'absence des principaux modèles IA américains comme ceux d'OpenAI et d'Anthropic a initialement créé un marché noir, avant d'être comblée par une nouvelle vague de chatbots chinois. Manus utilise par exemple Claude Sonnet d'Anthropic, considéré comme le meilleur modèle pour les tâches d'agent, ce qui le rend quasiment inutilisable en Chine sans VPN.
Les grandes entreprises technologiques chinoises commencent à combler ce vide. ByteDance teste Coze Space, un agent IA basé sur sa famille de modèles Doubao, tandis que Zhipu AI a lancé AutoGLM Rumination. Tencent envisage même d'intégrer un agent directement dans WeChat, l'application omniprésente en Chine qui gère déjà les messages, les paiements mobiles et des millions de mini-programmes.
Alibaba, bien que leader dans la course à l'IA en Chine, a été plus lent à lancer des produits grand public. Sa série de modèles Qwen, bien que populaire, n'a alimenté une application de chatbot dédiée qu'en 2025. En juin, Quark, l'application de stockage cloud et de recherche d'Alibaba, a introduit DeepResearch, son effort le plus abouti pour créer un agent IA.
Les experts estiment que les géants technologiques existants pourraient avoir un avantage considérable pour concrétiser la vision des agents IA généraux, en particulier ceux disposant d'une intégration native entre services. Bien que le marché des agents IA grand public en soit encore à ses débuts, les entreprises opérant déjà sur un large éventail de services ont un avantage naturel pour déployer ces agents à grande échelle.