Mission impossible de Rachel Reeves : sauver les finances publiques en quatre graphiques
Rachel Reeves a dû frémir en entendant Keir Starmer annoncer à la Chambre des communes le rétablissement partiel des allocations de chauffage hivernal pour "plus de retraités". Cette coupe de 2 milliards de livres était pourtant conçue pour éviter l'effondrement des finances publiques. Mais le gouvernement a finalement cédé face à la pression politique plutôt qu'aux avertissements des créanciers de la City.
En mars, avant la Déclaration de printemps, la secrétaire au Travail et aux Retraites Liz Kendall avait présenté des plans pour relancer l'emploi et limiter l'explosion des dépenses sociales. Reeves avait alors annoncé des coupes de 5 milliards dans les prestations sociales. Pourtant, lors d'un discours à l'IPPR, Kendall a justifié ces mesures par la nécessité d'utiliser l'argent public de manière efficace.
Bien que ces économies semblent modestes à l'échelle du budget britannique, elles permettent à Reeves de préserver sa marge de manœuvre budgétaire déjà très limitée. Les députés travaillistes craignent de paraître insensibles aux yeux des électeurs, mais sans contrôle des dépenses, Reeves risquerait de perdre la confiance des investisseurs.
Les règles budgétaires strictes de Reeves, critiquées par l'ancien gouverneur de la Banque d'Angleterre Mervyn King, visent à limiter l'endettement public. Elles obligent le gouvernement à n'envisager que des hausses d'impôts, des coupes budgétaires ou des réformes structurelles comme celles des retraites - que l'OBR juge bénéfiques pour la croissance.
Avec l'augmentation prévue des dépenses militaires (potentiellement 3% du PIB d'ici 2029) et les besoins en santé et justice, toute réduction historique des dépenses publiques semble compromise. Les chiffres d'emprunt pour avril 2025, à paraître ce jeudi, seront scrutés : un dépassement des prévisions de l'OBR confirmerait les inquiétudes sur la santé des finances publiques.
Le service de la dette publique, dont le coût a explosé depuis la pandémie, complique la tâche du Trésor, pris entre les exigences de la City et celles de l'opinion publique. La situation internationale n'arrange rien : aux États-Unis, Moody's a dégradé la note souveraine, tandis qu'au Japon, les rendements obligataires atteignent des records.
Avec un MPC de la Banque d'Angleterre toujours prudent sur les baisses de taux, les rendements des gilts pourraient augmenter plus vite que prévu, alourdissant encore le coût de l'emprunt. Bien que Reeves maintienne ses règles budgétaires, les tensions avec la City s'intensifient. Neil Mehta de RBC BlueBay souligne que les investisseurs sont peu enclins à accorder le bénéfice du doute au gouvernement.
Malgré la réduction récente de l'écart entre dépenses et recettes fiscales (au plus bas depuis 15 ans), la pression fiscale britannique n'a jamais été aussi élevée depuis 1948. Les économistes s'attendent à de nouvelles hausses d'impôts cette année.
Les propositions d'Angela Rayner, rapportées par le Daily Telegraph, de taxer davantage banques et patrimoines risquent de contrarier les objectifs de croissance de Reeves. Certaines mesures, comme la suppression d'exemptions fiscales pour l'AIM ou l'augmentation de la surtaxe bancaire à 5%, pourraient décourager l'investissement.
Les réformes fiscales ont déjà des conséquences : le CEBR prévoit 8 milliards de recettes en moins que prévu, tandis que l'Adam Smith Institute estime à 111 milliards le manque à gagner d'ici 2035. Les entreprises, via la CBI, dénoncent l'impact des cotisations sociales sur leurs profits.
Le gouvernement se trouve à un tournant : poursuivre les réformes sociales au risque de freiner la croissance, ou maintenir sa ligne austère malgré les tensions avec la City. L'examen des dépenses prévu le 11 juin sera décisif : il révélera si Reeves entend vraiment geler les dépenses ou si elle risque une nouvelle escalade avec les marchés financiers.