Nuages et réchauffement : Pourquoi les modèles climatiques sous-estiment l'emballement de l'Arctique
20 mai 2025 - Une étude révolutionnaire de l'Université de Kyushu révèle pourquoi les prévisions climatiques actuelles échouent à capturer la rapidité du réchauffement arctique. Les nuages, souvent négligés dans les modèles, seraient la clé de ce mystère scientifique. Cet article, édité par Gaby Clark et relu par Robert Egan, suit le processus de validation de Science X.
L'Arctique, l'une des régions les plus froides du globe, se réchauffe trois à quatre fois plus vite que la moyenne mondiale. Pourtant, les modèles climatiques peinent à expliquer cette accélération. Momoka Nakanishi, doctorante, et le professeur Takuro Michibata de l'Université de Kyushu ont identifié le coupable : les nuages mixtes.
Ces nuages particuliers, composés à la fois de cristaux de glace et de gouttelettes d'eau surfondue, jouent un double rôle. En été arctique, ils reflètent la lumière solaire comme un parasol. En hiver, ils agissent comme une couverture, piégeant la chaleur terrestre.
"L'efficacité de ce piège thermique dépend directement du ratio glace/eau dans les nuages", explique Nakanishi. "Plus il y a d'eau liquide, mieux la chaleur est retenue. Or la plupart des modèles surestiment la part de glace."
L'équipe a analysé 30 modèles climatiques en les comparant aux observations satellitaires de la dernière décennie. Résultat choquant : 21 modèles sur 30 surestiment considérablement la proportion de glace dans les nuages hivernaux.
"Ces modèles sous-estiment donc le potentiel de réchauffement actuel des nuages hivernaux", poursuit Nakanishi. "C'est pourquoi ils ne parviennent pas à reproduire l'emballement climatique observé."
Ironie du sort : si les modèles sous-estiment le réchauffement actuel, ils le surestiment pour le futur. Cette erreur provient du "feedback d'émissivité nuageuse". Avec le réchauffement, les nuages contiennent plus d'eau liquide, amplifiant l'effet de serre.
Mais ce cercle vicieux a une limite. Quand les nuages deviennent saturés en eau, leur capacité à piéger la chaleur plafonne. Les modèles actuels, ignorant le liquide déjà présent, prévoient à tort un effet prolongé.
Ces découvertes permettront d'affiner les modèles climatiques pour mieux prédire l'évolution du réchauffement arctique. Comme l'Arctique influence les phénomènes météorologiques mondiaux, cela améliorera aussi les prévisions d'événements extrêmes.
"L'incertitude majeure de nos prévisions vient des nuages", conclut Michibata. "Corriger ces modèles est crucial, non seulement pour l'Arctique, mais pour comprendre leurs répercussions globales."
Référence : Momoka Nakanishi et al, Ocean-Land-Atmosphere Research (2025). DOI : 10.34133/olar.0089 Fourni par l'Université de Kyushu