Walmart, Target et d'autres entreprises alertent sur la montée des boycotts consommateurs
Les grandes entreprises américaines avertissent désormais leurs investisseurs des risques croissants liés aux boycotts de consommateurs. Dans leurs déclarations réglementaires annuelles, des géants comme Walmart, Target, Home Depot et Constellation Brands (propriétaire de Corona) ont mis en garde contre les répercussions juridiques et commerciales de leurs politiques de diversité, d'équité et d'inclusion (DEI) ainsi que de leurs initiatives environnementales, sociales et de gouvernance (ESG).
Traditionnellement, les entreprises signalaient principalement les risques économiques, les violations de données ou les catastrophes naturelles. Mais selon les experts en gouvernance d'entreprise, la polarisation politique autour des questions sociétales pousse désormais les entreprises à ajouter de nouveaux avertissements. « Les entreprises sont prises dans un dilemme », explique Kristen Jaconi de l'USC, soulignant que toute position - ou absence de position - sur des sujets sensibles peut mécontenter une partie des consommateurs.
Les marques tentent d'éviter des boycotts dévastateurs comme ceux subis par Bud Light, Tesla ou Target. Elles réagissent aussi à l'offensive judiciaire et politique contre les programmes DEI, notamment les menaces d'enquêtes sous l'ère Trump et les poursuites de groupes conservateurs. « Le débat intense sur le DEI et le climat a motivé ces nouvelles divulgations de risques », observe Matteo Tonello du Conference Board.
Walmart et Target décrivent un paysage commercial où les attentes contradictoires des différentes parties prenantes créent des risques sans précédent. Dans son rapport annuel, Walmart reconnaît que ses positions font l'objet d'un « examen minutieux » pouvant mener à des boycotts ou des atteintes à sa réputation. La chaîne a d'ailleurs réduit certains programmes DEI cette année.
Target, quant à lui, a subi de plein fouet cette polarisation. En 2023, ses produits LGBTQ+ pendant le Pride Month ont déclenché un boycott de la droite, entraînant une chute des ventes et des poursuites. Mais la suppression récente de certains programmes DEI a également provoqué la colère d'autres clients et actionnaires. « Nous ne pouvons satisfaire toutes ces attentes contradictoires », admet Target, dont les ventes ont pâti de ces tensions.
L'offensive anti-ESG s'étend à d'autres groupes comme Abercrombie & Fitch ou Kroger, qui redoutent l'impact des législations hostiles aux critères environnementaux et sociaux. PVH (Calvin Klein, Tommy Hilfiger) craint notamment des « réponses négatives des autorités ou des consommateurs » pouvant nuire à son image.
Pour Lawrence Glickman, historien à Cornell, cette anticipation des boycotts marque un tournant : « D'habitude, les boycotts prennent les entreprises par surprise. Leur succès récent les rend désormais incontournables dans l'analyse des risques. »