L'Émergence de la Photographie Américaine : Une Révolution Artistique et Technique (1839-1910)
L'exposition « The New Art: American Photography, 1839–1910 », présentée au Metropolitan Museum of Art jusqu'au 20 juillet, retrace l'essor tumultueux de la photographie américaine, marqué par des innovations techniques et une démocratisation croissante. Ce parcours chronologique, allant des daguerréotypes uniques aux cartes de visite reproductibles, évite l'écueil académique en insufflant un sentiment de découverte. Les photographes, souvent amateurs ou "créateurs anonymes", s'approprient ce médium pour explorer de nouvelles formes d'expression et de perception. En se concentrant sur les œuvres américaines, l'exposition dépeint également la construction progressive d'une nation et d'une identité démocratique.
Les daguerréotypes, fruits d'un procédé complexe et coûteux (plaques de cuivre argenté sensibilisées à l'iode et révélées aux vapeurs de mercure), étaient principalement réservés aux portraits studio. Les sujets, figés devant des décors peints évoquant des salons bourgeois, devaient rester immobiles pendant 20 à 40 secondes. Présentées dans des écrins luxueux (cadres en laiton doublés de soie), ces images reflétaient le statut social de leurs commanditaires. Pourtant, la collection Schaeffer, offerte au Met, révèle une diversité surprenante : agriculteurs, forgerons, ou même portraits post-mortem d'enfants.
Initialement réservée à une élite technique, la photographie s'est rapidement popularisée. Si la réalisation de daguerréotypes exigeait un savoir-faire pointu, leur possession devenait accessible, transformant ces images en précieux souvenirs familiaux. Dès 1900, la photographie trônait dans les foyers américains, symbole de fierté et d'intimité.
Les premiers photographes, avides de documenter le monde, capturaient sujets exotiques (pyramides, maharadjahs) ou phénomènes naturels (éruptions volcaniques). Mais avec l'accessibilité croissante du médium, l'objectif s'est tourné vers l'intime : portraits familiaux, scènes quotidiennes (vaisselle, balais), ou détails éphémères (feuilles d'arbre). L'exposition illustre cette évolution à travers différents supports (ambrotypes, tirages papier, stéréogrammes), chacun améliorant le contrôle artistique.
Bien que des noms célèbres (Alice Austen, Mathew Brady) côtoient des anonymes, l'accent est mis sur la diversité des regards. Le commissaire Jeff Rosenheim a sélectionné des images tant historiques (ruines d'Atlanta en 1866, traces de fouet sur le dos d'un esclave) que poétiques (bords de lac impressionnistes en 1888). Entre surréalisme (bottes à patins) et curiosités ("squelette vivant"), l'exposition célèbre la photographie comme art à la fois documentaire et onirique, invitant à une redécouverte émerveillée de l'histoire.