La Dette Publique : Un Problème Qui Refait Surface
En 2019, Lawrence Summers et Jason Furman, deux des économistes les plus influents des États-Unis, ont publié un essai intitulé "Qui a peur des déficits budgétaires ?". Ils y affirmaient que les inquiétudes de Washington concernant la dette nationale étaient exagérées. D'autres experts éminents, dont l'ancien économiste en chef du Fonds Monétaire International (FMI), ont abouti à des conclusions similaires. Leur raisonnement reposait sur une formule simple impliquant les variables r (taux d'intérêt) et g (taux de croissance économique). Tant que g dépassait r, le service de la dette restait gérable. À l'époque, avec des taux d'intérêt proches de zéro, cette théorie semblait solide. Mais aujourd'hui, la donne a changé.
Les politiques économiques de Donald Trump, notamment sa guerre commerciale et sa réforme fiscale, ont bouleversé cet équilibre. Les taux d'intérêt ont grimpé en flèche, portant les paiements d'intérêts sur la dette à 881 milliards de dollars en 2024. Cette somme dépense désormais les budgets alloués à Medicaid ou à la défense nationale. Jared Bernstein, ancien conseiller économique de Joe Biden, souligne que l'administration Trump a gaspillé en quatre mois l'avantage d'un risque perçu comme nul sur la dette américaine.
La situation s'aggrave avec la récente dégradation de la note souveraine des États-Unis par Moody's, poussant les taux d'emprunt à long terme vers des sommets inédits depuis deux décennies. Les prévisions de croissance, quant à elles, s'effondrent face aux incertitudes générées par les tarifs douaniers imprévisibles de Trump. Une analyse indépendante révèle que les réductions d'impôts promises par les républicains n'auront qu'un impact marginal sur la croissance, insuffisant pour compenser les effets négatifs des tarifs.
Les économistes redoutent désormais un scénario catastrophe : une spirale infernale où des taux d'intérêt élevés (r > g) alourdiraient continuellement le fardeau de la dette. Le gouvernement serait alors contraint d'emprunter davantage pour rembourser, ce qui ferait encore monter les taux. Ce cercle vicieux pourrait conduire à une crise comparable à celle du Royaume-Uni en 2022 sous Liz Truss, ou pire, à une stagflation semblable aux années 1970.
Pourtant, Trump et ses alliés au Congrès ignorent ces avertissements. Ils persistent dans leur stratégie, quitte à provoquer une panique des marchés. Comme le résume Adam Tooze, historien économique, cette crise potentielle pourrait surpasser celle de 2008. Le temps joue contre l'Amérique, et les choix deviendront bientôt douloureux : austérité drastique, défaut de paiement, ou inflation galopante. Un pari risqué, dont les conséquences pourraient être désastreuses.