Cannabis et Cancer du Poumon : Un Lien Plus Fort Qu'il N'y Paraît
La toxicité du cannabis, notamment son lien potentiel avec le cancer du poumon, a longtemps été sous-estimée. Cependant, des études récentes remettent en cause cette "innocence supposée", identifiant une population croissante de jeunes patients consommateurs réguliers de cannabis développant des cancers agressifs. Le Dr Pauline Pradère, pneumologue à l'hôpital Marie Lannelongue à Paris et chercheuse de premier plan sur ce sujet, a présenté ses conclusions lors du congrès international ALBATROS cette année.
Consommation par inhalation "La France détient le triste record de premier consommateur de cannabis en Europe", a déclaré Pradère. En 2019, on estimait qu'à 17 ans, 1 Français sur 5 avait consommé du cannabis au moins une fois dans le mois. La majorité de cette consommation se fait par inhalation de joints de résine de cannabis, souvent mélangée à du tabac. Compte tenu de cette prévalence élevée, il est crucial d'évaluer son impact sur la santé respiratoire.
Cannabis et cancer du poumon Pradère a cité une étude de 2018 publiée dans Chest suggérant que fumer du cannabis ne cause pas d'emphysème. Bien que des lésions précancéreuses aient été observées, le lien avec le cancer du poumon restait incertain. Une méta-analyse de 2018 souvent citée pour "disculper" le cannabis concluait à des données insuffisantes. Pradère critique ces études pour ne pas avoir examiné spécifiquement les effets uniques du cannabis.
Arguments toxicologiques Plusieurs éléments suggèrent un rôle nocif du cannabis inhalé chroniquement. D'abord, la présence de carcinogènes dans les joints. Ensuite, le THC a un effet bronchodilatateur, favorisant une inhalation plus profonde des substances toxiques. Des études histologiques montrent des lésions précancéreuses similaires à celles des fumeurs de tabac.
Données épidémiologiques Une étude canadienne a montré que consommer plus de 50 joints à l'adolescence double le risque de cancer bronchique. Pradère souligne cependant les difficultés méthodologiques : mélange avec le tabac, substances ajoutées dans la résine, et sous-déclaration par les patients.
Étude sur 75 patients Dans un centre spécialisé en chirurgie du cancer du poumon, Pradère a étudié 75 patients de moins de 50 ans opérés en Île-de-France. Un suivi post-opératoire a permis de mieux documenter leur consommation de cannabis, révélant une prévalence élevée parmi ces jeunes patients atteints de cancer.