Les Géants Pétroliers Nous Ont-ils Trompés Avec un Mensonge sur le Recyclage?
Le mantra 'Réduire, réutiliser, recycler' est devenu aussi omniprésent que les déchets plastiques qu'il prétend combattre. Autrefois perçu comme une solution simple pour le développement durable, ce slogan cache en réalité une histoire bien plus complexe et troublante, liée aux efforts de l'industrie pétrochimique pour éviter ses responsabilités. Malgré nos efforts de tri, les actions individuelles ne suffiront pas à résoudre la crise croissante de la pollution plastique.
L'omniprésence du plastique dans la vie moderne donne l'impression que le recyclage est une obligation morale. Des pailles aux sacs en passant par les emballages alimentaires, les plastiques à usage unique envahissent les décharges et les cours d'eau. La juriste Roberta Mann alerte qu'en 2050, il pourrait y avoir plus de plastique que de poissons dans les océans. En 2016, les États-Unis étaient les premiers producteurs de déchets plastiques avec plus de 42 millions de tonnes. La pandémie de COVID-19 a aggravé la situation avec l'explosion des équipements de protection jetables et des emballages du commerce en ligne.
Mais voici la vérité choquante : notre dépendance au recyclage comme solution est non seulement inefficace, mais repose sur une illusion soigneusement construite. Le récit selon lequel le recyclage peut contrer la crise du plastique a été fabriqué par l'industrie pétrolière pour maintenir la demande et retarder la régulation de sa production.
Une enquête de NPR et PBS Frontline en 2020 a révélé que les compagnies pétrolières savaient depuis des décennies que le recyclage du plastique était impossible à grande échelle aux États-Unis. Dès les années 1950-1960, les industries des combustibles fossiles, de la pétrochimie et de l'emballage ont commencé à discuter de la pollution plastique alors que des rapports montraient son incapacité à se décomposer. En 1973, un atelier de l'Académie nationale des sciences a signalé des concentrations alarmantes de polystyrène et de PCB dans les milieux marins. L'industrie a ensuite retourné cette caractéristique en vantant le plastique comme matériau idéal pour les revêtements de décharge et le confinement de la pollution.
En promouvant le plastique comme recyclable, ces industries ont habilement transféré la responsabilité aux consommateurs. Une publicité de 1989 dans Time Magazine, sponsorisée par la Society of Plastic Industry (comprenant Exxon, Mobil, Dow, DuPont, Chevron et Phillips 66), présentait le recyclage comme un devoir moral, tout en sachant que les infrastructures étaient inadéquates et non rentables.
Plus de trente ans plus tard, peu de choses ont changé. Comme l'explique Dave Dennison, le recyclage n'a lieu que lorsqu'il coûte moins cher que l'enfouissement. Un représentant de Keurig a admis dans 'Plastic Wars' qu'il était impossible de recycler efficacement les K-Cups, dont 11 milliards sont produits annuellement. Le symbole de recyclage avec son échelle de 1 à 7 a été créé par l'industrie pour empêcher les interdictions de plastique et les normes de recyclage obligatoires.
Cela ne signifie pas qu'il faut abandonner le recyclage. Avec les quantités astronomiques de plastique déjà dans nos écosystèmes, le recyclage reste crucial. Certaines utilisations médicales ou pour personnes handicapées restent irremplaçables. Mais nous devons ajouter un quatrième 'R' : Remplacer - substituer les produits pétroliers par des alternatives durables quand c'est possible.
Le plastique perturbe le système endocrinien et est lié à des cancers et autres maladies. Le recyclage doit être vu comme une mesure d'atténuation, non comme solution ultime. La recherche de méthodes alternatives est essentielle, sans placer l'industrie pétrolière au cœur de la solution. Le vrai progrès nécessite des changements systémiques : une régulation stricte de la production plastique, des investissements massifs dans les matériaux alternatifs, et la volonté de défier une industrie qui pollue depuis des décennies.