Le pari TACO de Wall Street sur Trump : un problème de l'œuf et de la poule
Le 'Tariff Man' est de retour – et avec lui, la stratégie TACO de Wall Street. Le président Donald Trump menace à nouveau d'imposer des droits de douane massifs sur une large gamme d'importations américaines, allant du cuivre aux produits pharmaceutiques en passant par les biens en provenance du Japon et de la Russie. Pourtant, Wall Street reste stoïque, certains investisseurs pariant que Trump répétera sa tendance à reculer face à ses menaces les plus extrêmes. Cette réaction modérée illustre ce qu'on appelle le 'TACO trade', acronyme de 'Trump Always Chickens Out' (Trump recule toujours).
'Il nous mène au bord du précipice pour, au dernier moment, nous en éloigner en déclarant : ‘Regardez, je vous ai sauvés’', explique Michael Block, stratège de marché chez Third Seven Capital, dans une interview téléphonique avec CNN mardi. Un scénario qui s'est déjà produit début avril. Après l'annonce par Trump de tarifs douaniers exorbitants pour le 'Liberation Day', la panique des marchés – actions et obligations – a été si vive qu'elle l'a contraint à faire marche arrière. Le gel soudain de ces tarifs 'réciproques' pour 90 jours a déclenché une reprise spectaculaire des marchés, toujours en cours aujourd'hui.
Cette semaine, récidive avec le 'Liberation Day'. Les actions américaines ont reculé lundi après que Trump a notifié à une douzaine de pays, dont le Japon et la Corée du Sud, l'application de tarifs dès le 1er août. Mais la correction a été modérée – une consolidation attendue après des sommets historiques. Mardi, les marchés sont restés de marbre malgré de nouvelles menaces : 50 % sur le cuivre, jusqu'à 200 % sur les médicaments, et 10 % pour les BRICS (Brésil, Chine, Inde, Russie).
'Personne ne croit vraiment à la mise en œuvre de ces tarifs. Le marché table toujours sur le TACO trade', analyse Ed Mills, expert politique chez Raymond James. Mais cette logique comporte un vice : si personne ne panique, rien ne poussera Trump à reculer. 'C'est dangereux quand une réaction des marchés devient nécessaire pour infléchir une politique', souligne Mills. Un vrai dilemme de l'œuf et de la poule.
Bob Elliott, PDG d'Unlimited, note sur X que le TACO est désormais 'consensus et déjà intégré dans les cours'. Problème : 'Sans la douleur d'un marché en chute, il ne reculera pas', estime cet ex-cadre de Bridgewater. Le paradoxe s'aggrave avec la conscience qu'a Trump lui-même de cette stratégie. Interpellé fin mai sur le TACO, il avait qualifié la question de 'scandaleuse' avant d'affirmer : 'Je recule ? Jamais entendu ça.'
Après l'indifférence des marchés lundi, Trump a martelé sur Truth Social : 'LES TARIFS COMMENCERONT LE 1er AOÛT 2025. Pas de report.' Peine perdue. 'Pas de report... jusqu'à nouvel ordre', ironise Ed Yardeni (Yardeni Research). Pour lui, l'absence de panique s'explique par la conviction que Trump ne sabotera pas l'économie – et ses chances électorales. 'Les marchés voient cela comme l'art de la négociation. Il devra régler ce dossier avant l'automne sous peine de risquer une récession qui nuirait aux républicains au Congrès', prédit Yardeni. Un calcul risqué : sans pression de Wall Street et conforté par de bons indicateurs, Trump pourrait cette fois tenir bon.