La canicule, un fléau silencieux pour la santé et l'économie mondiale
Dans un pays de 1,4 milliard d'habitants où la moitié de la main-d'œuvre travaille en extérieur et seulement 10% disposent de climatisation, la chaleur extrême représente bien plus qu'une gêne passagère. C'est une menace directe pour la santé publique, les moyens de subsistance et la croissance économique, comme le révèle une enquête approfondie sur les impacts méconnus des vagues de chaleur.
Les vagues de chaleur en Inde s'intensifient, apparaissant plus tôt dans l'année et s'étendant à de nouvelles régions, explique Purnamita Dasgupta, professeure d'économie environnementale à l'Université de Delhi. Avec des températures dépassant régulièrement les 50°C, ces épisodes entraînent une chute vertigineuse de la productivité : 182 milliards d'heures de travail perdues en 2023 selon The Lancet, et l'équivalent de 34 millions d'emplois à temps plein menacés d'ici 2030.
Les secteurs de l'agriculture et de la construction sont les plus touchés, mais les risques dépassent le cadre professionnel. Dans les zones urbaines densément peuplées, les logements mal ventilés deviennent de véritables fournaises, empêchant toute récupération après une journée de canicule. Face à ce défi, certaines municipalités imposent désormais aux employeurs de fournir ombre, pauses et eau aux travailleurs.
L'impact économique est colossal : en 2021, les pertes de revenus liées à la chaleur ont atteint 159 milliards de dollars en Inde, soit 5,4% du PIB selon Climate Transparency. Un phénomène mondial qui coûte déjà 100 milliards de dollars annuels aux États-Unis, et pourrait quintupler en Europe d'ici 2060 si les mesures d'adaptation restent insuffisantes.
Sur le plan sanitaire, les conséquences sont tout aussi alarmantes. Une seule journée de canicule en Inde provoque environ 3 400 décès excédentaires, un chiffre qui bondit à 30 000 lors de vagues de chaleur prolongées. L'Europe, continent qui se réchauffe le plus vite, a enregistré 61 000 morts supplémentaires durant l'été 2022, principalement parmi les personnes âgées.
Le Dr Sandy Robertson, urgentiste britannique, souligne que les impacts sanitaires vont bien au-delà des coups de chaleur : « Nous observons une recrudescence d'AVC, de problèmes respiratoires, de crises cardiaques et même de violences lorsque les températures montent ». Les hôpitaux, souvent non climatisés, deviennent des environnements à risque où le matériel médical peut dysfonctionner.
Face à cette crise multiforme, des solutions émergent. À Séville, des rues étroites créent naturellement de l'ombre, tandis que Los Angeles a peint ses chaussées en blanc pour réfléchir la chaleur. En Chine, les toits végétalisés de Xiamen ont permis de baisser la température urbaine de près de 1°C. L'architecture traditionnelle, comme les murs en adobe des Pueblos ou les toits doubles du Burkina Faso, inspirent également des solutions durables.
Comme le conclut Nick Rajkovich, architecte à l'Université de Buffalo : « Nous devons réapprendre les stratégies de refroidissement passif qui existaient bien avant la climatisation ». Un impératif alors que le changement climatique intensifie ces phénomènes extrêmes partout dans le monde.