La bouteille de bière canadienne « stubby » : un symbole de résistance économique face à l'arrogance américaine
Quarante ans après sa disparition en tant que bouteille standard de l'industrie brassicole canadienne, la « stubby » est réinterprétée à une époque marquée par les tarifs douaniers et les griefs américains. Non plus comme une icône culturelle, mais comme une méthode discrète de protection d'une industrie nationale. Dans un article de recherche publié ce printemps, Heather Thompson, diplômée du programme d'histoire publique de l'Université Carleton à Ottawa, soutient que cette bouteille trapue, réutilisable et donc peu attractive pour les brasseurs étrangers, a fonctionné comme une forme de protectionnisme typiquement canadienne.
« À l'époque, les trois grands [Canadian Breweries Limited], Molson et Labatt, voyaient les Américains arriver et savaient qu'ils étaient très intéressés par le marché canadien lucratif. Ils avaient besoin de quelque chose », a-t-elle déclaré à CBC News. « La stubby n'est pas un tarif, ce n'est pas imposé par le gouvernement. C'est autant un produit économique qu'un produit culturel. »
Dans le climat actuel de tarifs croissants, de politiques « acheter canadien » et de tensions commerciales croissantes, l'histoire de la stubby pourrait ressembler moins à une note historique qu'à un modèle – pour la façon dont le Canada peut encore naviguer à côté d'un voisin économiquement dominant et souvent imprévisible.
Introduite en 1961, la stubby contrastait avec les canettes en aluminium non recyclables privilégiées par les Américains. En verre, elle était bon marché, durable et légère, facile à transporter et réutilisable jusqu'à 100 fois. Elle constituait la pierre angulaire d'un système canadien en boucle fermée qui réduisait les coûts pour les brasseurs locaux tout en décourageant les brasseurs étrangers en augmentant leurs coûts d'entrée sur le marché.
Grâce aux barrières commerciales interprovinciales, les brasseurs devaient souvent produire leur bière dans chaque province pour y vendre, évitant ainsi des tarifs. En 1962, un an après l'introduction de la stubby, les trois grands brasseurs contrôlaient environ 95 % du marché canadien de la bière, possédant presque toutes les 61 brasseries du pays.
Lorsque la stubby est devenue une exigence d'emballage pour toutes les bières vendues dans les magasins Beer Store en Ontario, les trois grands ont verrouillé l'accès au marché pour les brasseurs étrangers. « Pour embouteiller dans la stubby, [les brasseurs américains] allaient devoir créer leur propre ligne d'embouteillage spécifique à l'Ontario », explique Thompson, soulignant que les économies potentielles seraient annulées par les coûts de transport.
De 1961 à 1984, la stubby était omniprésente, devenant un symbole de l'identité canadienne grâce aux frères McKenzie, une parodie de la culture ouvrière canadienne. Craig Baird, animateur du podcast Canadian History Ehx!, compare son impact à celui du lait en sac – efficace, économique et incompréhensible pour les étrangers.
Les brasseurs canadiens ont abandonné la stubby en 1984 pour des bouteilles plus longues, alors que des marques américaines comme Budweiser et Coors entraient sur le marché. Bien que la stubby ait largement disparu, son esprit perdure, notamment dans des projets comme Glorious and Free, une IPA patriotique brassée avec des ingrédients locaux par 40 brasseries à travers le Canada.
« L'idée de cette campagne est née d'une marche dans la neige », a déclaré Josh McJannett, cofondateur de Dominion City Brewing, en référence à l'ancien Premier ministre Pierre Trudeau. Pour McJannett, cette bière, comme la stubby, refuse de se conformer aux attentes extérieures, incarnant une résistance tranquille mais ferme face aux défis économiques contemporains.