133 milliards de dollars de pertes économiques. Des dizaines de milliers contraints à fuir. Voici l'Amérique post-Roe.
Trois ans après l'annulation de l'arrêt Roe v. Wade par la Cour suprême américaine, les conséquences se révèlent plus désastreuses que prévu. Entre pertes économiques colossales, exodes médicaux et tragédies humaines, le pays vit une crise sanitaire et sociale sans précédent.
Les derniers chiffres sont accablants. Selon le Society of Family Planning, le nombre d'avortements aux États-Unis continue d'augmenter, avec une hausse notable des prescriptions via télémédecine. Environ la moitié de ces avortements à distance sont rendus possibles par les lois protectrices d'États favorables au droit à l'avortement.
L'exode des patientes s'intensifie. L'Institut Guttmacher révèle que 155 000 femmes ont dû quitter leur État en 2024 pour avorter, un chiffre en légère baisse par rapport à 2023 mais presque le double du niveau de 2020. L'Illinois est devenu un refuge crucial pour les habitantes du Sud et du Midwest.
Les professionnels de santé fuient également. Près de 42% des médecins pratiquant l'avortement dans les États restrictifs ont déménagé vers des États plus permissifs. Cette hémorragie de compétences médicales aggrave la crise.
Le coût économique est astronomique. Les États les plus restrictifs subissent plus de 64 milliards de dollars de pertes annuelles. En incluant les États imposant des obstacles indirects, ce chiffre dépasse 133 milliards - de quoi couvrir les soins maternels pour presque toutes les naissances américaines de 2024.
Derrière ces chiffres se cachent des drames humains. Fatima Goss-Graves, présidente du National Women's Law Center, dénonce des cas de soins vitaux refusés, de patientes saignantes abandonnées dans des parkings, ou de médecins poursuivis pour avoir exercé leur métier.
L'hypocrisie politique atteint son comble avec l'interview du Wall Street Journal. La représentante Kat Cammack, pourtant co-présidente du caucus anti-avortement, a elle-même subi des retards de soins pour grossesse extra-utérine à cause des lois qu'elle soutient. Son cas illustre l'absurdité d'un système où la politique s'invite dans le cabinet médical.
Trois ans après Dobbs, l'Amérique régresse. Comme le résume Karen Thompson de Pregnancy Justice : « Nous faisons marche arrière vers les combats que nous pensions avoir gagnés ». La bataille pour les droits reproductifs est plus urgente que jamais.