Assis nulle part ? En France, le débat sur les bancs publics et la vie communautaire
Dans la ville de Colombes, en banlieue parisienne, un festival annuel met à l'honneur un objet urbain anodin mais essentiel : le banc public. Cet événement soulève une question brûlante en France : comment concilier sécurité et convivialité dans les espaces publics ?
Lors du Festival International du Banc Public de Petit Colombes, une troupe de théâtre a présenté une performance poignante. Quatre acteurs ont incarné des personnages divers - un adolescent, une mère âgée, un sans-abri, un enfant - unis par leur besoin commun de s'asseoir. « Un banc public, c'est un lieu de partage », explique un comédien de la troupe Annibal et ses Éléphants.
Pourtant, Colombes compte paradoxalement peu de bancs. Comme beaucoup de villes françaises, elle en a supprimé la majorité il y a vingt ans, après les émeutes urbaines de 2005. L'objectif était alors de lutter contre l'errance et la délinquance. Aujourd'hui encore, les municipalités françaises cherchent le difficile équilibre entre accueil et régulation des espaces publics.
« L'espace public devrait être accessible et accueillant pour tous », affirme Stéphane Malek, directeur de l'agence d'urbanisme Monono. « Mais cette notion est menacée. Les villes veulent que les gens circulent, sans stagner. Le défi est de créer des lieux où s'asseoir. »
Dès le XIXe siècle, les bancs ont façonné le paysage urbain français. Les célèbres bancs vert forêt dessinés par Gabriel Davioud sont devenus des icônes parisiennes. Pourtant, ces dernières décennies, ils ont aussi cristallisé des tensions. Certaines villes les ont supprimés pour décourager les sans-abri, d'autres ont installé des sièges inconfortables.
Pour les experts, la solution réside dans un design intelligent. « Un bon banc permet d'être seul ou avec d'autres », explique Sonia Lavadinho, anthropologue urbaine. Les bancs modulables des jardins du Luxembourg ou les créations de Lucile Soufflet offrent cette flexibilité. L'important est de créer des espaces qui favorisent à la fois le mouvement et la pause.
À Colombes, malgré les efforts municipaux, les bancs peinent à s'implanter durablement. Les habitants ont développé leurs propres solutions, s'asseyant sur les rebords en béton des immeubles. Pourtant, lors du festival, un homme en costume profite enfin d'un banc éphémère pour savourer le soleil. Une image simple qui résume tout l'enjeu : réapprendre à partager l'espace public.