Pourquoi les ministres africains des finances ne devraient pas négocier les obligations : la nécessaire expertise technique
Les euro-obligations, dettes libellées en devises étrangères, sont devenues un moyen rapide et attractif pour les pays africains d'emprunter. Elles expliquent la forte hausse de l'endettement commercial, passant de 27% en 2011 à 52% en 2020 de la dette extérieure totale. Cette tendance accroît la vulnérabilité financière du continent.
Or, la plupart de ces obligations sont mal structurées, obligeant les pays africains à payer bien au-delà de leur risque souverain. Deux facteurs principaux expliquent cette mauvaise tarification, selon mon expertise en modélisation des prix obligataires.
Premièrement, le manque d'expertise dans les bureaux de gestion de la dette, chargés de négocier les conditions des emprunts. Deuxièmement, l'implication excessive des ministres des finances dans l'émission d'euro-obligations.
Les ministres des finances, nommés politiques, agissent selon des cycles électoraux plutôt que pour la soutenabilité budgétaire. Leur mandat court et leur recherche de projets visibles entrent en conflit avec la nature à long terme de la dette souveraine.
Ils manquent également de l'expertise technique nécessaire pour obtenir les meilleures conditions. Pourtant, dans de nombreux pays africains, ce sont eux qui négocient directement avec les banquiers d'affaires et les agences de notation.
Cette situation crée des risques majeurs. Par exemple, en 2018, le Ghana a émis une obligation à coupon zéro avec longue maturité, saluée internationalement. Un an plus tard, le pays faisait défaut, révélant des conditions défavorables.
La solution passe par le renforcement des bureaux de gestion de la dette. Ils doivent recruter des analystes quantitatifs qualifiés, offrir des salaires compétitifs et être protégés des interférences politiques.
Les ministres devraient superviser stratégiquement l'endettement tout en laissant les négociations techniques aux experts. Cette réforme est urgente alors que les conditions financières mondiales se resserrent et que les pays africains doivent refinancer leurs dettes.