Au-delà de la bureaucratie : Pourquoi l'Amérique ne parvient plus à construire
L'idée la plus en vogue dans la politique démocrate actuelle est l'« agenda d'abondance », qui critique les libéraux pour avoir encombré les programmes gouvernementaux de lourdeurs bureaucratiques retardant leur mise en œuvre. L'exemple du haut débit rural illustre parfaitement ce problème. Dans le cadre de la loi bipartisane sur les infrastructures de 2021, le Congrès a alloué 42,5 milliards de dollars au programme BEAD (Broadband Equity Access and Deployment). Cependant, trois ans et demi après son adoption, aucun projet n'a encore vu le jour en raison de ses 14 étapes procédurales et exigences complexes.
Le programme BEAD semble effectivement trop compliqué. Il nécessite la cartographie des zones non couvertes par la FCC, la distribution des fonds par le Département du Commerce, et l'attribution des subventions par les États aux fournisseurs d'accès Internet (FAI). Ces étapes intermédiaires, bien qu'intentionnées, créent des retards et de la méfiance envers le gouvernement.
Une solution apparente serait de simplifier le processus, comme l'a tenté l'administration Trump avec le programme RDOF (Rural Digital Opportunity Fund) en 2020. Ce programme, basé sur des enchères inversées, a échoué en raison d'une cartographie imprécise et de promesses irréalistes des FAI. Près de 2 millions des 5,2 millions de foyers promis n'auront jamais accès au haut débit.
Le problème fondamental est que le gouvernement américain a abandonné les outils politiques efficaces utilisés lors de l'électrification rurale sous le New Deal. À l'époque, l'administration Roosevelt a créé des coopératives électriques, des options publiques comme la Tennessee Valley Authority, et a régulé les entreprises privées pour garantir un service universel. Cette approche mixte a permis d'électrifier 90 % des foyers ruraux d'ici 1953.
Aujourd'hui, une stratégie similaire pourrait être appliquée au haut débit rural. Cependant, les FAI ont réussi à faire adopter des lois interdisant les options publiques dans 25 États. Le lobbying intense a également empêché la FCC d'imposer des obligations de service universel aux FAI. En conséquence, les subventions publiques continuent de profiter aux entreprises privées sans garantir une couverture universelle.
La leçon est claire : pour construire à nouveau, l'Amérique doit retrouver la volonté de réguler et de concurrencer les grandes entreprises, pas seulement simplifier la bureaucratie. Malheureusement, le programme BEAD, malgré ses ajustements récents, risque de répéter les échecs du passé.