Non, le commerce avec la Chine n'a pas tué l'économie américaine
Lors de sa première campagne en 2015, Donald Trump a exploité un récit puissant : la montée de la Chine aurait dévasté l'industrie manufacturière américaine, laissant des communautés ouvrières en ruine. Connue sous le nom de "choc chinois", cette idée a ouvert la voie à un protectionnisme accru, culminant avec les tarifs douaniers controversés de Trump. Pourtant, les fondements de cette théorie s'avèrent de plus en plus fragiles.
Élaborée par les économistes David Autor, David Dorn et Gordon Hanson, cette théorie suggère que les régions américaines fortement exposées aux importations chinoises ont subi des pertes d'emplois bien plus importantes. Les populistes s'en sont emparés pour affirmer que l'adhésion de la Chine à l'OMC en 2001 a causé des millions de licenciements aux États-Unis. Mais une théorie largement appliquée ne signifie pas pour autant qu'elle soit exacte.
Scott Winship, chercheur à l'American Enterprise Institute, a entrepris une analyse approfondie pour vérifier si le choc chinois a réellement réduit l'emploi manufacturier américain. En examinant diverses études et ajustements méthodologiques, il conclut que les effets négatifs du commerce avec la Chine ont été grandement exagérés. Les récits populistes accusant ce commerce du déclin économique américain ne sont pas étayés par des preuves solides.
Les créateurs de la théorie du choc chinois ont comparé l'impact des importations chinoises entre différentes régions américaines, et non à l'échelle nationale. Selon ces critères, les zones fortement exposées ont effectivement subi des pertes d'emplois disproportionnées. Cependant, Winship souligne que même en acceptant ces estimations, les effets sur l'emploi restent relativement modestes.
Pour illustrer son propos, Winship prend l'exemple de deux zones hypothétiques comptant 200 000 habitants en âge de travailler et 20 000 ouvriers manufacturiers. Les données des partisans de la théorie indiquent qu'une exposition accrue aux importations chinoises entraînerait la perte d'environ 2 700 emplois manufacturiers, soit une baisse de seulement 1,4 % de l'emploi total dans ce secteur. Bien que significative, cette diminution n'explique pas à elle seule le déclin communautaire et les troubles sociaux souvent attribués au commerce chinois.
Winship relève également plusieurs problèmes méthodologiques. Lorsque d'autres économistes ont révisé les méthodes utilisées, l'impact négatif estimé a considérablement diminué. Plusieurs études ultérieures ont montré que l'effet du choc chinois sur l'emploi manufacturier était 50 % moins important que ce qui avait été initialement affirmé. D'autres recherches ont révélé que les pertes d'emplois dans les zones exposées étaient souvent compensées, voire surpassées, par des gains dans d'autres secteurs.
Une étude détaillée du Census Bureau a même constaté que les entreprises fortement exposées aux importations chinoises ont augmenté leurs effectifs manufacturiers, réaffectant les emplois vers des lignes de production nationales plus efficaces grâce à des importations moins chères. Par ailleurs, le déclin progressif de l'emploi manufacturier américain a commencé des décennies avant l'adhésion de la Chine à l'OMC.
Entre la fin des années 1970 et 2000, les emplois industriels avaient déjà considérablement diminué, principalement en raison des progrès technologiques et de l'évolution de la demande des consommateurs. Fait notable, aucune accélération soudaine de ce déclin n'a été observée après l'entrée de la Chine dans l'OMC. Le taux de perte d'emplois manufacturiers est resté conforme aux tendances antérieures, ce qui remet en question l'idée selon laquelle le commerce chinois aurait spécifiquement dévasté ce secteur.
De plus, les anciens ouvriers manufacturiers n'ont généralement pas fait face à un chômage permanent. En réalité, leurs taux de chômage étaient plus bas ces dernières années que dans les années 1990, avant le pic des importations chinoises. Beaucoup ont réussi à se reconvertir dans d'autres secteurs, contredisant ainsi l'idée d'une crise de délocalisation persistante. Aujourd'hui, environ un demi-million d'emplois manufacturiers ne trouvent pas preneurs.
Malgré ces réalités, le récit exagéré persiste comme force politique. Les tarifs douaniers de Trump – des taxes payées par les consommateurs américains qui renchérissent le prix des biens courants, des voitures aux vêtements – ont accru l'incertitude économique. Les fabricants américains dépendants de composants importés voient leurs coûts augmenter, ce qui réduit leur compétitivité et entraîne des licenciements inattendus. Durant le premier mandat de Trump, ses tarifs ont souvent plus nui aux entreprises américaines qu'à leurs concurrents étrangers.
Plutôt que de persister dans le protectionnisme et l'isolationnisme, il faut aider les travailleurs américains à s'adapter aux changements économiques, qu'ils soient causés par le commerce ou par une récession. Comme l'ont montré les économistes, lorsque les travailleurs ne se remettent pas des chocs économiques, c'est souvent à cause d'obstacles créés par le gouvernement.
La réévaluation critique du choc chinois par Winship met en lumière le rôle réel, mais limité, des importations chinoises dans les tendances de l'emploi manufacturier. Le véritable "choc" que les États-Unis risquent de subir en 2025 ne viendra pas des importations chinoises, mais d'une résurgence du protectionnisme malavisé fondé sur un problème mal diagnostiqué. La voie à suivre consiste à tirer parti des véritables avantages du commerce plutôt que de poursuivre des illusions économiques.