Fausse couche et limites des protections californiennes : le poids du lieu de résidence
En Californie, les hôpitaux catholiques gèrent 20 % des services de maternité, appliquant des politiques restrictives en matière d'avortement, y compris lors de fausses couches. Anna Nusslock, victime de ces limites, est devenue malgré elle le visage d'une bataille pour les droits reproductifs. Son cas illustre les disparités géographiques dans l'accès aux soins de santé reproductive.
Anna Nusslock a vécu un cauchemar à l'hôpital St. Joseph d'Eureka, établissement catholique refusant de pratiquer un avortement malgré une fausse couche en cours. Selon deux plaintes déposées, les médecins ont estimé que sa vie était en danger, mais l'hôpital a invoqué la présence de battements cardiaques fœtaux. Expulsée avec des serviettes et un seau, elle a finalement été opérée en urgence dans un autre hôpital.
Ces poursuites judiciaires, intentées par Nusslock et le procureur général Rob Bonta, mettent en lumière les lacunes de la protection des droits à l'avortement en Californie post-Roe v. Wade. Elles révèlent aussi la concentration croissante des services de maternité dans des établissements religieux, particulièrement dans les zones rurales.
Providence, le réseau catholique propriétaire de St. Joseph, conteste ces allégations. L'organisation invoque la liberté religieuse garantie par la Constitution américaine. Cependant, le juge Timothy Canning a rejeté une demande de rejet de la plainte de l'État, tandis que la requête concernant le procès civil de Nusslock est toujours en cours.
En Californie, 13 % des hôpitaux sont catholiques, mais ils représentent 35 % des services de maternité dans les comtés ruraux du nord. À Humboldt, où vit Nusslock, St. Joseph est désormais le seul hôpital avec un service d'obstétrique, le suivant étant à 140 km.
Lors de son admission, Nusslock présentait une rupture prématurée des membranes à 15 semaines, une infection et de l'hypertension. Malgré l'urgence médicale, l'hôpital a refusé d'intervenir à cause des battements cardiaques des fœtus. Son cas n'est pas isolé : d'autres femmes auraient subi le même traitement selon des déclarations sous serment.
La loi californienne protège le droit à l'avortement mais exempte les établissements religieux. Elle exige cependant des soins d'urgence pour les patients en danger de mort. Providence affirme respecter cette obligation tout en suivant les directives catholiques, qui n'autorisent l'interruption que pour sauver la vie de la mère.
Lors d'une audience en février, l'avocat de Providence, Harvey Rochman, a défendu le droit des hôpitaux religieux à refuser des actes contraires à leur foi. La procureure adjointe Martine D'Agostino a rétorqué que le cas concernait le refus de soins urgents mettant des vies en danger.
Des témoignages de médecins révèlent que plusieurs patientes de St. Joseph ont frôlé la mort dans des circonstances similaires. Un obstétricien a déclaré s'être vu interdire trois interruptions de grossesse en urgence par l'aumônier de l'hôpital.
Les expériences varient cependant selon les établissements catholiques. Lori Freedman, bioéthicienne à l'UCSF, explique que les comités d'éthique, dirigés par des religieux, décident au cas par cas, souvent en attendant que l'état de la patiente s'aggrave.
Maryam Guiahi, obstétricienne ayant travaillé dans des hôpitaux catholiques, critique cette approche. Dans des cas comme celui de Nusslock, l'interruption immédiate est le standard de soins, éviter toute complication. Guiahi dénonce aussi le manque d'information donné aux patientes sur leurs options.
Nusslock, diagnostiquée avec un trouble de stress post-traumatique, prévoit de quitter Eureka pour sa prochaine grossesse. Son cas reflète une tendance inquiétante : 59 hôpitaux californiens ont fermé leurs services de maternité depuis 2012, dont 80 % d'établissements laïcs, augmentant l'influence des réseaux catholiques.
Josie Urbina, spécialiste en planification familiale à l'UCSF, déplore l'inégalité d'accès aux soins dans les zones rurales. Les directives catholiques interdisent aussi la contraception et la FIV, créant des déserts médicaux pour certains services.
Pour Nusslock, ces poursuites visent à empêcher que d'autres femmes subissent le même calvaire. 'Ce sont des gens qui méritent d'être protégés', affirme-t-elle, déterminée à se battre pour le droit à des soins médicaux complets, quelle que soit la géographie.