Le Japon, modèle de propreté : mais où sont donc passées les poubelles ?
Le professeur Chris McMorran, spécialiste des études japonaises à l'Université nationale de Singapour, aborde des sujets sérieux comme le travail et les communautés marginalisées. Pourtant, lors de ses voyages au Japon avec ses étudiants, une question revient systématiquement : pourquoi n'y a-t-il presque pas de poubelles publiques ? Cette interrogation est partagée par de nombreux touristes occidentaux, étonnés de la propreté exemplaire du pays malgré l'absence apparente de moyens pour jeter ses déchets. Une enquête récente de l'Office national du tourisme japonais (JNTO) révèle que 22 % des visiteurs étrangers considèrent le manque de poubelles comme leur principal défi logistique, devant la barrière linguistique (15 %) et la foule (13 %).
Cette particularité s'explique par les codes sociaux japonais. Les habitants consomment rarement dans la rue - une pratique parfois interdite dans certaines villes - et emportent leurs déchets chez eux. Mais l'explosion du tourisme bouleverse cet équilibre. À Nara, ville classée à l'UNESCO, neuf cerfs sont morts en 2019 après avoir ingéré des déchets plastiques laissés par des visiteurs. La municipalité a finalement dû réinstaller des poubelles dans les zones touristiques, équipées de messages 'Sauvez les cerfs' en anglais.
Tokyo n'est pas épargnée. Le quartier branché de Shibuya a dû réglementer la consommation d'alcool dans la rue pour limiter les déchets, notamment pendant Halloween. Sur les réseaux sociaux, des tutoriels expliquent aux touristes comment gérer leurs déchets, soulignant que certaines machines à boissons disposent de petites poubelles à proximité.
Derrière cette problématique se cache aussi un sombre héritage : les attentats au gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995, perpétrés par la secte Aum Shinrikyo. Cet événement a conduit au retrait massif des poubelles des gares, désormais équipées de sacs transparents pour faciliter les contrôles. Une mesure également adoptée à Londres après les attentats de l'IRA dans les années 1970.
Pour les visiteurs perplexes, une solution traditionnelle existe : le furoshiki, un tissu carré multifonction qui peut servir à emballer ses déchets avant de trouver une poubelle, puis devenir un souvenir décoratif.