Un espoir contre Alzheimer : Un somnifère réduit jusqu'à 40 % des dépôts nocifs de protéine tau
Un somnifère facilement accessible aurait un effet secondaire surprenant sur la santé cérébrale, protégeant apparemment le cerveau de l'accumulation de la protéine tau, un biomarqueur clé dans le développement de maladies neurodégénératives comme Alzheimer. Cette découverte émane d'une collaboration entre des scientifiques de l'École de médecine de l'Université Washington à Saint-Louis (WashU Medicine) et la société pharmaceutique japonaise Eisai, qui a créé en 2022 un département de recherche dédié à la prévention et au traitement de la maladie d'Alzheimer. Cette approche s'inscrit dans une tendance croissante en R&D, où les scientifiques explorent les usages potentiels de médicaments existants au-delà de leur indication officielle.
L'étude s'est concentrée sur le somnifère lemborexant, mieux connu sous son nom commercial Dayvigo. Contrairement à un sédatif, le lemborexant est un dépresseur du système nerveux central qui bloque l'action de l'orexine, un neurotransmetteur régulant l'éveil. Approuvé en décembre 2019, ce traitement relativement récent contre l'insomnie montre également des résultats prometteurs contre la dépression.
« Nous savons depuis longtemps que le manque de sommeil est un facteur de risque pour la maladie d'Alzheimer », explique le Pr David M. Holtzman, neurologue à WashU Medicine et auteur principal de l'étude. « Nos travaux démontrent que le lemborexant améliore le sommeil et réduit la protéine tau anormale, un facteur majeur des lésions neurologiques observées dans Alzheimer et d'autres troubles apparentés. Nous espérons que cette découverte ouvrira la voie à de nouvelles recherches sur ce médicament et au développement de traitements plus efficaces, seuls ou en combinaison. »
Dans l'étude, des souris génétiquement modifiées pour accumuler la protéine tau ont reçu soit du lemborexant, soit du zolpidem (Ambien), un autre somnifère agissant différemment via le neurotransmetteur GABA. Résultat : les souris sous lemborexant présentaient 30 % à 40 % de volume cérébral en plus dans l'hippocampe – une zone cruciale pour la cognition – que celles sous zolpidem, malgré un temps de sommeil similaire. Or, la perte de volume cérébral est un signe caractéristique de neurodégénérescence.
Si l'équipe du Pr Holtzman a été parmi les premières à identifier le manque de sommeil comme facteur d'accumulation de tau et de bêta-amyloïde, cette étude révèle une mécanique plus complexe : les antagonistes des récepteurs de l'orexine semblent posséder des propriétés neuroprotectrices en bloquant les dépôts protéiques nocifs. Cependant, cet effet bénéfique n'a été observé que chez les souris mâles, une piste que les scientifiques devront explorer pour comprendre le rôle du sexe dans ce processus.
Bien que ces résultats concernent des souris et non des humains, les antagonistes de l'orexine pourraient présenter un avantage supplémentaire pour les patients neurodégénératifs : contrairement à d'autres somnifères, ils n'altèrent pas les fonctions motrices. Les chercheurs envisagent désormais d'intégrer le lemborexant dans des approches thérapeutiques multidimensionnelles. « Les anticorps anti-amyloïdes actuels sont utiles, mais ne ralentissent pas suffisamment la maladie », souligne le Pr Holtzman. « Cibler simultanément tau et amyloïde via des thérapies combinées pourrait être plus efficace. » L'étude est publiée dans Nature Neuroscience.