Pourquoi les tarifs douaniers de Trump constituent une 'crise nationale' pour le Japon
Les tarifs douaniers imposés par le président américain Donald Trump représentent une menace sérieuse pour l'économie japonaise, déjà fragile, selon Robert Ward, expert à l'International Institute for Strategic Studies (IISS). Le Japon, l'un des alliés les plus fidèles des États-Unis en Asie, dépend fortement du marché américain, qui absorbe environ 20% de ses exportations. Bien que certains tarifs aient été suspendus, leur impact potentiel sur l'économie japonaise est considérable. Le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba a qualifié la situation de "crise nationale", reflétant l'inquiétude croissante à Tokyo. Les incertitudes entourant la politique tarifaire américaine envers la Chine et l'ASEAN, où les entreprises japonaises sont fortement implantées, ajoutent à l'inquiétude. Les prochaines élections législatives de juillet pourraient fragiliser davantage la position d'Ishiba, dont le parti, le Parti libéral-démocrate (PLD), est en perte de vitesse dans les sondages. Le Japon dispose de peu de marges de manœuvre dans les négociations commerciales avec les États-Unis. Contrairement à l'Union européenne, il ne peut pas négocier en tant que bloc. Son économie, bien que toujours parmi les plus importantes au monde, ne représente qu'un dixième de celle des États-Unis. L'accès au marché américain reste crucial pour les entreprises japonaises, confrontées à un marché intérieur en déclin et à des tensions géopolitiques croissantes avec la Chine. Par ailleurs, les États-Unis sont un fournisseur majeur de denrées alimentaires, de matières premières et de combustibles minéraux pour le Japon, représentant environ 30% de ses importations totales en provenance des États-Unis. Une guerre commerciale ouverte avec les États-Unis serait donc désastreuse pour le Japon. Tokyo doit également concilier ses besoins économiques avec sa priorité stratégique absolue : préserver son alliance de sécurité avec Washington. Les États-Unis sont le seul allié militaire du Japon, et cette relation reste vitale face aux menaces régionales croissantes, notamment de la Chine, de la Corée du Nord et de la Russie. Malgré ces contraintes, le Japon dispose de quelques leviers. Il pourrait augmenter ses importations de produits agricoles américains, malgré les sensibilités politiques autour du riz. Le lobby agricole japonais, autrefois puissant, a perdu de son influence. Le Japon pourrait également importer davantage de gaz naturel liquéfié (GNL) des États-Unis ou financer des projets énergétiques en Alaska. Des concessions sur les barrières non tarifaires pour les voitures américaines sont également envisageables. Lors de son premier sommet avec Trump, Ishiba a promis d'augmenter les investissements japonais aux États-Unis à un niveau "sans précédent" de 1 000 milliards de dollars. Le Japon joue également un rôle clé dans les accords commerciaux régionaux, comme le Partenariat transpacifique global et progressiste (CPTPP), dont il est le leader de facto. L'adhésion du Royaume-Uni au CPTPP en 2024 renforcera la position du Japon. Sa participation au Partenariat économique régional global (RCEP), dominé par la Chine, lui permet aussi d'influencer la reconfiguration des échanges régionaux. Enfin, le Japon bénéficie d'une longue expérience dans la gestion des revirements de la politique américaine, des chocs économiques des années 1970 à la montée en puissance de la Chine dans les années 1990. Cette expertise, combinée à une politique étrangère plus active depuis l'ère Abe, lui donne des outils pour faire face aux nouveaux défis posés par les tarifs de Trump.