À 16 ans, conduire n'est plus la norme : comment les moniteurs s'adaptent à cette nouvelle réalité
Anthony Martella, 16 ans, exécute des manœuvres d'évasion sous la supervision de son moniteur de conduite Brian Hart, dans un parking vide d'un cinéma de Vaughan, en Ontario. Cet exercice fait partie de sa formation pour obtenir son permis de conduire cet été, un moment qu'il attend avec impatience. Mais contrairement aux générations précédentes, Anthony fait figure d'exception : de moins en moins d'adolescents se précipitent pour passer leur permis à 16 ans.
Selon Andrew Marek, responsable de la croissance chez Young Drivers of Canada, l'âge moyen des élèves dépasse désormais 20 ans. Cette tendance se confirme à travers l'Amérique du Nord. Une étude de 2017 révèle qu'entre 2006 et 2015, le pourcentage de lycéens américains titulaires d'un permis est passé de 81% à 72%. Une étude de 2020 de l'Université de Californie à Irvine montre que 40% des adolescents retardent l'obtention de leur permis d'un à deux ans, et 30% de plus de deux ans.
Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène : la popularité des applications de transport comme Uber, le coût élevé de la conduite (essence, assurance), les transports en commun dans les villes, la vie sociale en ligne des adolescents et des parents plus disposés à jouer les chauffeurs. Quand les jeunes viennent finalement à l'auto-école vers 20-21 ans, c'est souvent pour des raisons professionnelles.
Face à cette nouvelle réalité, les méthodes d'enseignement ont évolué pour répondre à deux défis majeurs : les distractions numériques et l'anxiété au volant. Une enquête de 2022 montre que 44% des Canadiens de 18-24 ans utilisent leur téléphone en conduisant. Les moniteurs comme Sean McDonald de l'Atlas Driving School à Vancouver doivent préparer les élèves à un environnement routier plus chaotique, où tous les usagers sont potentiellement distraits.
Dominic Turgeon, propriétaire de l'auto-école Archer's Blue Car à Edmonton, enseigne la conduite défensive en insistant sur l'observation attentive pour anticiper les erreurs des autres. Brian Hart de Young Drivers confirme que la distraction généralisée est désormais au cœur de la formation. Pour aider les élèves anxieux, son école propose même un cours en ligne avec des techniques de respiration et de relaxation. "Il faut parfois jouer les psychothérapeutes", reconnaît M. Hart.