Être Riche en Ce Moment : Une Époque Étrange à Vivre
Quand les ultra-riches commencent à se sentir paranos, Clay Cockrell est le premier à l'entendre. Ce thérapeute spécialisé dans les névroses des milliardaires constate que ses clients, privilégiés, s'inquiètent de la montée des sentiments 'mangez les riches'. 'Les sacs Birkin sont cachés', dit-il. 'Je vois beaucoup de gens renforcer leur sécurité. Ils craignent d'être trop voyants'.
Une agent immobilière de luxe dans la région des trois États observe la même tendance. 'C'est une période bizarre pour être riche', confie-t-elle. Bien que l'économie montre des signaux d'alarme, les ultra-riches y sont largement immunisés. 'Avec tant d'argent, l'inflation ne les touche pas', explique-t-elle. Ce qui les tracasse, c'est le jugement sur leur consommation ostentatoire. 'Quand le monde pleure la pauvreté, vivre dans une bulle riche est mal vu'.
Un multimillionnaire propriétaire de 15 millions de dollars en immobilier en Floride avoue : 'Nous restons discrets. Pas de vacances cette année, ma femme préfère qu'on reste à la maison'. Non par souci d'économies, mais pour 'ne pas étaler leur richesse'.
Ce mouvement diffère du 'luxe discret' où l'élégance suggère le statut. Là, il s'agit de minimiser activement sa fortune. Dans un contexte de tensions économiques, la vie privée des riches devient leur bien le plus précieux. Ils évitent les boutiques Chanel et voyagent à St-Tropez en petit comité.
Cockrell a noté une anxiété croissante après la fusillade visant le PDG d'UnitedHealthcare en décembre 2023. 'Des clients m'ont dit : Maintenant, on se fait tirer dessus dans la rue', rapporte-t-il. Puis vint l'inauguration présidentielle, avec son cortège de milliardaires. 'Avant, les riches inspiraient. Aujourd'hui, on les diabolise', analyse-t-il.
Katherine Fox, conseillère financière pour héritiers, décrit des jeunes rongés par la culpabilité. 'Ils n'osent en parler à personne, surtout face aux crises mondiales', dit-elle. Contrairement à ses clients, Fox assume publiquement son héritage sur les réseaux. 'Je sais que ça provoque la haine, mais je veux normaliser ces problématiques'.
Selon Cockrell, le rejet des riches est cyclique. 'Le pire moment remonte à la crise de 2008', se souvient-il. Le vrai danger actuel n'est pas la menace physique, mais leur repli dans des bulles dorées, évitant toute responsabilité sociale. 'Beaucoup sont perdus : admirés hier, détestés aujourd'hui', constate-t-il.
La solution ? Les inciter à comprendre la colère populaire et à s'engager. 'Pas juste un chèque - distribuez des couvertures, servez de la soupe, soyez présents', suggère-t-il. Mais pour certains, sortir de leur confin est trop risqué. 'Ils vivent en vase clos. Ce n'est bon pour personne'.