Royaume-Uni : une répression sans précédent contre les géants du numérique pour protéger les enfants en ligne
À partir du 25 juillet, les plus grandes plateformes technologiques du Royaume-Uni sont soumises à une pression légale inédite avec l'entrée en vigueur de nouvelles lois strictes sur la protection des enfants en ligne. Ces mesures, issues de la loi sur la sécurité en ligne (Online Safety Act), imposent aux entreprises de mettre en place une vérification d'âge rigoureuse pour les contenus nocifs, sous peine d'amendes pouvant atteindre 18 millions de livres ou 10 % du chiffre d'affaires mondial.
Les nouvelles règles changent fondamentalement la manière dont les mineurs interagissent avec Internet. Les sites hébergeant des contenus pornographiques, d'automutilation, de suicide ou liés aux troubles alimentaires doivent désormais bloquer l'accès aux enfants en utilisant des outils robustes comme des scans faciaux, des vérifications par carte bancaire ou des téléchargements de pièces d'identité.
Les réseaux sociaux doivent également purger leurs algorithmes de contenus dangereux ciblant les enfants, tels que des défis risqués, des violences ou des discours de haine. Les entreprises sont tenues de supprimer plus rapidement les contenus nocifs et de fournir aux jeunes utilisateurs des outils clairs pour signaler les abus.
Plus de 1 000 plateformes, dont Pornhub, le site pour adultes le plus visité au Royaume-Uni, ont confirmé à Ofcom avoir mis en place les vérifications d'âge requises. Les entreprises récalcitrantes s'exposent à des sanctions sévères, le régulateur des télécommunications disposant désormais de nouveaux pouvoirs pour lutter contre les dangers numériques à grande échelle.
Cette répression fait suite à des données alarmantes montrant que des enfants dès huit ans ont accédé à des contenus pornographiques en ligne, et que 16 % des adolescents déclarent avoir vu des contenus encourageant les troubles alimentaires ou la honte corporelle rien que le mois dernier.
Les géants de la tech sous pression
Le nouveau régime oblige les plateformes à traiter la sécurité des enfants avec la même rigueur que les secteurs hors ligne soumis à des restrictions d'âge, comme l'alcool, le tabac ou les jeux d'argent. « L'époque où les plateformes technologiques pouvaient détourner le regard est révolue », a déclaré le ministre des Technologies Peter Kyle.
Pour les plateformes, ces changements impliquent une refonte majeure de leur conformité, depuis la modification des algorithmes jusqu'au déploiement de technologies de vérification d'âge respectueuses de la vie privée. Des fournisseurs comme GBG et Yoti pourraient tirer profit de la demande croissante pour des outils d'identification faciles à utiliser.
Mais des inquiétudes subsistent quant à la protection de la vie privée et des données, notamment parce que les utilisateurs pourraient être amenés à télécharger des documents ou des scans faciaux sur plusieurs sites. « L'intention est bonne, mais la mise en œuvre risque de nous faire reculer », a déclaré Asgeir Oskarsson de la BSV Blockchain Association, plaidant pour des systèmes d'identité décentralisés.
Un changement culturel nécessaire
Les experts juridiques avertissent que l'application seule des règles ne suffira pas. « La vraie question est de savoir comment contrôler ces restrictions d'âge à travers plusieurs appareils et plateformes », souligne Iona Silverman, spécialiste en propriété intellectuelle. « Il s'agit autant d'un changement culturel que réglementaire. »
Alors que le gouvernement s'est d'abord concentré sur les contenus les plus nocifs, la pression monte déjà pour qu'Ofcom aille plus loin, avec un examen accru des « dommages quotidiens » comme le temps d'écran excessif, l'addiction aux algorithmes ou la publicité ciblée envers les enfants.
Les critiques estiment qu'une harmonisation des normes entre pays et secteurs est nécessaire, surtout face à des menaces comme la fraude ou les contenus préjudiciables qui circulent librement entre les juridictions. « Cette législation est une première étape cruciale », reconnaît Gus Tomlinson de GBG. « Mais la fraude ne s'arrête pas aux frontières, et nos défenses non plus. »