Pourquoi la haine de l'écologie unit-elle les forces politiques en Europe et ailleurs ?
Dans un ironique retournement du destin, l'amendement au projet de loi Gremillet instaurant un moratoire sur l'énergie éolienne et solaire a été adopté par l'Assemblée Nationale le 19 juin, à la veille d'une canicule dont le lien avec le changement climatique a été établi par ClimaMeter, un projet de l'Institut Pierre-Simon Laplace et du CNRS. Porté par Les Républicains (LR) et soutenu par le Rassemblement National (RN), cet amendement visait à interdire au gouvernement de traiter toute demande de création ou de renouvellement de projets éoliens ou solaires, et ce pour une durée indéterminée, alors même que la France n'a jamais eu autant besoin d'une politique climatique ambitieuse. Bien que le projet de loi ait finalement été rejeté en bloc par l'Assemblée Nationale avant d'être envoyé au Sénat les 8 et 9 juillet pour une seconde lecture, cet épisode soulève deux questions cruciales : comment des partis se présentant comme aptes à gouverner la France ont-ils pu adopter une position aussi irresponsable ? Et comment expliquer la haine grandissante envers l'écologisme qui semble désormais unir les droites et extrêmes droites en Europe et au-delà ?
Cette question est d'autant plus pertinente que ni le RN ni LR ne focalisaient leur discours sur ces thématiques il y a encore quelques années. Le contexte actuel offre clairement à ces partis l'opportunité de capitaliser sur la colère suscitée par la hausse des prix de l'énergie, les protestations des agriculteurs, les oppositions aux zones à faibles émissions et les difficultés des chefs d'entreprise. En 2022, le RN a habilement adapté le débat climatique à sa vision du monde : dans son programme présidentiel, Marine Le Pen ne se présentait pas comme anti-écologiste mais comme opposée à "l'écologie punitive", critiquant les diktats de Bruxelles, dénonçant "l'éco-terrorisme", fustigeant la pollution visuelle des éoliennes et promouvant le localisme, la protection du patrimoine et l'énergie nucléaire.
Mais il y a lieu de craindre que le mauvais vent venu des États-Unis ne donne une nouvelle ampleur à ces combats. Il suffit de lire le Project 2025 de la Heritage Foundation, notamment ses chapitres 12 et 13, pour comprendre que la bataille ne fait que commencer. Les auteurs de ce document remettent radicalement en cause non seulement la légitimité des actions contre le changement climatique, mais même l'objectif d'atteindre un jour la neutralité carbone. Leur argumentation s'appuie notamment sur les conclusions d'un article très critique de la politique climatique de Joe Biden publié par la même Heritage Foundation en juin 2022. Jamais soumis à relecture par des pairs, cet article repose sur des hypothèses en contradiction avec le consensus scientifique. Il vous reste 50,53% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.