Ouganda : les motos-taxis en ligne promettaient la sécurité – mais les chauffeurs sont sous pression pour rouler vite
Les motos-taxis sont l'un des moyens de transport les plus rapides et pratiques pour se déplacer dans la capitale ougandaise, Kampala, mais aussi les plus dangereux. Bien qu'ils représentent un tiers des trajets de transport public, les rapports policiers indiquent que 80% des décès routiers en 2023 impliquaient des motos. Pour résoudre ce problème, des plateformes de réservation en ligne comme SafeBoda ont émergé il y a dix ans, promettant d'améliorer la sécurité et les revenus des conducteurs. Cependant, une nouvelle étude révèle que le modèle économique de ces plateformes, basé sur le travail indépendant et mal rémunéré, pousse en réalité les chauffeurs à rouler plus vite pour gagner leur vie.
SafeBoda, pionnier du secteur depuis 2014, se présentait comme une solution 'marchande' pour la sécurité routière. L'idée était d'inciter financièrement les conducteurs à adopter un comportement plus sûr. Les premières études ont montré que les chauffeurs affiliés aux plateformes portaient plus souvent un casque et respectaient mieux le code de la route. Les médias et les chercheurs ont salué cette innovation, voyant dans ces plateformes une clé pour améliorer la sécurité des motos-taxis en Afrique.
Pourtant, cette réussite apparente cache une réalité plus sombre. Une recherche doctorale récente, basée sur 112 entretiens et une enquête auprès de 370 conducteurs, montre que le modèle des plateformes crée un paradoxe. D'un côté, elles imposent des règles strictes : formation à la sécurité, port du casque obligatoire, et même des agents chargés de surveiller les conducteurs. De l'autre, leur structure économique pousse les chauffeurs à prendre des risques pour survivre.
Le problème réside dans le modèle de 'travail à la tâche'. Sans salaire fixe, les conducteurs ne gagnent que par commission, les obligeant à enchaîner les courses pour un revenu décent. Comme l'explique un chauffeur : 'Pas de salaire de base, seulement des commissions. Tout dépend de votre vitesse.' Cette pression financière conduit à des excès de vitesse, des heures de travail épuisantes et des manœuvres risquées – autant de facteurs qui augmentent le risque d'accidents.
Les données de l'étude montrent que les chauffeurs des plateformes gagnent en moyenne 12% de plus que les motos-taxis traditionnels. Mais ces gains sont annulés par les coûts supplémentaires : données mobiles, carburant, équipement et commissions (jusqu'à 20% par course). Résultat : ils travaillent plus dur, sans réelle amélioration de leurs conditions.
Alors que ces plateformes étaient perçues comme une révolution sécuritaire, elles reproduisent en fait les problèmes de l'économie informelle. Comme le souligne un investisseur de SafeBoda, il est temps de les considérer non comme une solution miracle, mais comme un 'véhicule risqué' pour la réforme de la sécurité routière en Afrique.