Pourquoi les voitures françaises avaient-elles des phares jaunes ? Un héritage historique
Si vous croisez une vieille voiture française sur les routes européennes, ses phares émettront probablement une lueur jaune plutôt que blanche. Cette particularité n'était pas un choix esthétique, mais une obligation légale en vigueur pendant plus de 50 ans. De 1937 à 1992, tous les véhicules circulant en France devaient être équipés de ces phares jaunes, officiellement appelés "phares sélectifs jaunes".
L'idée derrière cette réglementation était simple : on pensait que la lumière jaune réduisait l'éblouissement et améliorait la vigilance des conducteurs la nuit. Une étude des années 1930 affirmait même que cette teinte augmentait la visibilité de 8%. Les ingénieurs et législateurs français considéraient que le moindre progrès en matière de sécurité routière nocturne valait la peine d'être poursuivi.
La science derrière cette décision mêlait bonnes intentions et technologie de l'époque. Les phares causaient alors un important éblouissement, surtout sur les routes mal éclairées. La France estimait que la lumière jaune, filtrant les parties les plus aveuglantes du spectre comme le bleu et le rouge, réduirait la fatigue oculaire. Bien que 15% moins lumineux que les phares blancs, ils étaient jugés plus doux pour les yeux.
Cependant, ces affirmations furent plus tard remises en question. Une étude britannique démontra que les phares jaunes réduisaient en réalité la clarté visuelle de 2,5%. Malgré tout, avec des ampoules plus puissantes, ils pouvaient égaler voire surpasser les anciens phares blancs dans certaines conditions.
Les constructeurs français utilisèrent divers procédés - vernis jaunes ou filtres colorés - pour se conformer à la loi. Même le sport automobile était concerné : les 24 Heures du Mans imposaient des phares jaunes pour distinguer les différentes catégories de voitures de course la nuit.
Certains ont cru que cette réglementation aidait l'armée française à repérer les véhicules ennemis pendant la Seconde Guerre mondiale, mais il s'agit d'une légende. La règle datait de 1936, avant le conflit. Néanmoins, l'armée soutenait effectivement cette mesure. Dès 1939, même les véhicules antérieurs à la loi durent adapter leurs phares.
L'évolution technologique finit par rendre cette réglementation obsolète. Les ampoules halogènes, plus brillantes et efficaces, fonctionnaient mieux avec une lumière blanche. Les halogènes teintées de jaune perdaient jusqu'à 30% de leur luminosité. Dans les années 1990, l'Europe standardisa les règles d'éclairage et la France abandonna officiellement l'obligation du jaune en 1993.
Aujourd'hui, si vous apercevez cette douce lueur dorée sur une vieille Citroën ou Peugeot rare, vous contemplez un morceau d'histoire automobile encore vivant sur nos routes.