Le projet de dépenses républicain fait flamber les rendements et crée un sérieux casse-tête pour les marchés
La situation de la dette et du déficit américains est préoccupante, avec de réels risques d'aggravation. Les répercussions sur les marchés financiers, notamment la hausse des rendements obligataires et la chute des actions, dépendent largement des décisions politiques. Mitch Goldberg, président de ClientFirst Strategy, résume : "Je sens que le barrage commence enfin à céder, et il y a trop de brèches pour les colmater".
La détérioration des finances américaines a conduit Moody's à rétrograder la note souveraine des États-Unis, déclenchant une nouvelle vague de ventes sur les marchés actions et obligataires. Les décideurs politiques, déterminés à stimuler la croissance via le projet de dépenses "grandiose" de Donald Trump, risquent d'aggraver le problème. Kathy Jones, stratège en revenu fixe chez Charles Schwab, souligne : "Moody's n'a rien révélé de nouveau, mais a confirmé que la situation se dégrade".
Avec une dette publique de 36,2 billions de dollars (dont 28,9 billions détenus par le public) et un déficit approchant 7% du PIB, les réductions d'impôts non compensées alourdissent la pression budgétaire. Bien que Moody's ait maintenu une perspective stable, l'agence a pointé les "déficits annuels élevés" et les "coûts d'intérêt croissants" comme motifs de dégradation, sans mentionner explicitement le projet de loi républicain.
Les tensions commerciales avec le Japon et la Chine, principaux détenteurs étrangers de dette américaine, ajoutent à l'instabilité. "Le marché exige désormais une prime de risque accrue pour les obligations long terme", explique Jones, évoquant une "réévaluation mondiale" face à l'explosion de la dette souveraine et aux incertitudes politiques.
Les rendements obligataires, notamment ceux des Bons du Trésor à 10 et 30 ans, ont connu une hausse marquée. Les investisseurs réclament des rendements plus élevés pour compenser les risques liés à la dette américaine, traditionnellement considérée comme sans risque. Les craintes inflationnistes et la dégradation de Moody's ont accentué cette tendance.
Matthew Luzzetti, économiste en chef de Deutsche Bank, alerte : "Un déficit de 6,5% à 7% du PIB est incompatible avec une stabilisation du ratio dette/PIB". Sans engagement clair à réduire les déficits, les inquiétudes persisteront. L'impact budgétaire final dépendra du texte adopté par le Congrès, mais les marchés anticipent une aggravation si les baisses d'impôts de 2017 sont pérennisées.
Ed Yardeni, de Yardeni Research, met en garde : "Que le projet échoue ou passe, les marchés seront mécontents. Les déficits comptent, surtout lorsqu'ils entraînent des taux plus élevés et une inflation potentielle". Le rendement du 30 ans a franchi 5%, un niveau inédit depuis 2023, tandis que le 10 ans frôle 4,6%, affectant les prêts immobiliers et automobiles.
Les actions subissent également la pression, les investisseurs redoutant l'impact des taux élevés sur les marges bénéficiaires et la consommation. Les taux hypothécaires à 30 ans, après un léger recul, remontent à 6,81%. La contagion est mondiale : le rendement des obligations japonaises à 30 ans atteint un record.
Pour Goldberg, "si le coût du financement continue d'augmenter, nous nous dirigerons vers une période d'austérité, similaire à celle de l'UE il y a dix ans". Les investisseurs en actions doivent s'attendre à des taux durablement élevés, une croissance ralentie et une complexité accrue des marchés. Goldberg prédit : "Nous verrons des variations boursières de plus de 20% plus fréquemment. Ce n'est pas qu'un nouveau régime de dette, mais une nouvelle économie mondiale".
En résumé, la combinaison de politiques budgétaires expansionnistes, de tensions commerciales et de craintes inflationnistes crée une tempête parfaite pour les marchés, avec des conséquences potentielles à long terme sur l'économie globale.