Les producteurs de spiritueux confrontés à un cocktail déstabilisant de défis — des tarifs douaniers aux adeptes de l'abstinence
Les producteurs mondiaux de spiritueux font face à un cocktail déstabilisant de défis, alors que les tarifs douaniers et les boycotts de marques exacerbent les changements dans les habitudes de consommation. Le cognac français Rémy Cointreau a annoncé mercredi le retrait de ses objectifs de vente, suivant les pas de Diageo et Pernod Ricard, en raison des incertitudes économiques et commerciales. Parallèlement, l'accent croissant sur la santé et le bien-être a provoqué une augmentation des produits à faible teneur en alcool ou sans alcool.
Rémy Cointreau a justifié sa décision par le manque de visibilité macroéconomique, les tensions géopolitiques autour des tarifs douaniers sino-américains et l'absence de reprise sur le marché américain. Les ventes de cognac du groupe, incluant la marque Rémy Martin, ont chuté de 22% en raison du ralentissement de la consommation aux États-Unis et des conditions de marché complexes en Chine. Le cognac, originaire de la région française éponyme, est particulièrement touché par les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine.
LVMH a également enregistré une baisse de 17% des ventes de son cognac Hennessy au premier trimestre. Les barrières commerciales affaiblissent une demande déjà en déclin pour les spiritueux. La division vins et spiritueux de LVMH reste la moins performante du groupe, tandis que Diageo a vu ses ventes de Tanqueray, Gordon's et Smirnoff chuter fortement.
Les spiritueux et vins, en raison de leur prestige et des exigences légales, sont fortement dépendants de la production locale et donc vulnérables aux tarifs douaniers. Le champagne, par exemple, doit être produit et mis en bouteille dans la région de Champagne. Sanjeet Aujla, analyste chez UBS, souligne que ces produits sont plus exposés aux tensions géopolitiques en raison de leur ancrage local.
Rémy Cointreau estime que les tarifs actuels pourraient coûter 65 millions d'euros à son activité, malgré les mesures d'atténuation. Diageo prévoit quant à lui un impact sur 25% de son activité. En revanche, la bière, produite localement, est moins affectée, comme en témoignent les résultats stables d'AB InBev, Heineken et Carlsberg.
Les consommateurs sont également plus susceptibles de boycotter des marques de spiritueux pour des raisons politiques, optant pour des alternatives locales. Cette tendance s'ajoute à un ralentissement de l'industrie après une décennie de croissance, notamment pendant la pandémie de Covid-19. Les consommateurs confinés avaient alors accru leurs dépenses en alcool, boostant les marques premium.
Cependant, avec le retournement économique, les consommateurs sont moins enclins à dépenser 100 dollars pour une bouteille, préférant des options moins chères ou des prêts-à-boire. Les spiritueux premium sont en pause, selon Aujla, en raison des défis cycliques de l'industrie. La demande pourrait rester inférieure de 1 à 2% à la croissance historique de 4 à 5%.
Les tendances santé incitent également les consommateurs à réduire leur consommation d'alcool, poussant les fabricants à développer des produits à faible teneur en alcool. Les médicaments amaigrissants, qui pourraient réduire l'envie d'alcool, représentent un autre défi. Les analystes divergent sur la nature cyclique ou structurelle de ce ralentissement, mais s'accordent sur un impact durable sur l'industrie.