Les droits de douane de Trump pourraient financer ses réductions d'impôts — mais ce ne serait guère une bonne affaire
WASHINGTON (AP) — Les réductions d'impôts prévues dans le projet de loi "One Big Beautiful Bill" du président Donald Trump creuseraient un trou dans le budget fédéral. Mais le président a une solution : ses taxes à l'importation massives, les droits de douane. Selon le Congressional Budget Office (CBO), organe non partisan chargé des questions fiscales, ce projet de loi, adopté par la Chambre des représentants et actuellement examiné par le Sénat, augmenterait les déficits budgétaires de 2 400 milliards de dollars sur dix ans. En effet, les baisses d'impôts vidangeraient les caisses de l'État plus vite que les économies générées par les coupes budgétaires.
Cependant, les droits de douane annoncés par Trump jusqu'au 13 mai — y compris ses taxes dites "réciproques" pouvant atteindre 50 % sur les pays avec lesquels les États-Unis ont un déficit commercial — rapporteraient 2 500 milliards de dollars sur la même période, compensant ainsi l'impact budgétaire des réductions d'impôts. Sur le papier, l'équation budgétaire semble s'équilibrer. Mais en réalité, la situation est bien plus complexe.
Les experts budgétaires avertissent que financer une part importante du gouvernement fédéral par les droits de douane serait une entreprise risquée et douloureuse. "C'est une manière très dangereuse de vouloir augmenter les recettes", explique Kent Smetters, ancien membre du département du Trésor sous George W. Bush et actuellement chercheur à l'Université de Pennsylvanie. Trump, lui, vante depuis longtemps les droits de douane comme un remède économique miracle, capable de protéger l'industrie américaine, de relocaliser les usines et de lui donner un levier pour négocier avec les gouvernements étrangers.
Pourtant, économistes et analystes budgétaires s'accordent à dire que cette stratégie est inefficace. Les droits de douane constituent une source de revenus instable, car imposés par décret présidentiel et donc réversibles par un futur président ou le Congrès. De plus, ils pénalisent l'économie en augmentant les prix pour les consommateurs et les coûts pour les fabricants américains, tout en provoquant des mesures de rétorsion à l'étranger. L'Union européenne a d'ailleurs menacé de contre-mesures après la hausse des taxes sur l'acier et l'aluminium.
Enfin, ces taxes frappent disproportionnellement les plus pauvres, qui consacrent une plus grande part de leurs revenus à la consommation. Combinées aux coupes dans les programmes sociaux prévues par le projet de loi, elles aggraveraient encore les inégalités. Une analyse du Penn Wharton Budget Model montre que les 20 % des ménages les plus pauvres perdraient 820 dollars de revenu annuel, tandis que les 0,1 % les plus riches gagneraient près de 400 000 dollars. "C'est la pire réforme fiscale possible", conclut Erica York de la Tax Foundation.