Canada : nous avons déjà le meilleur accord commercial sous Trump
Les annonces frénétiques de tarifs douaniers des dernières semaines risquent d'obscurcir un fait simple : la plupart des exportations canadiennes ne sont pas soumises à des droits de douane lorsqu'elles entrent aux États-Unis. Les marchandises conformes aux règles d'origine de l'Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC) ont été exemptées des tarifs imposés en février en raison des allégations de la Maison Blanche sur le fentanyl en provenance du Canada, ainsi que des tarifs dits « réciproques » qui doivent entrer en vigueur le 1er août. Aucune exemption de ce type n'a été accordée à d'autres pays. Par exemple, la Corée du Sud, qui a renégocié son propre accord de libre-échange avec les États-Unis sous la première administration Trump, fait désormais face à un tarif élevé de 25 %. Les fabricants allemands et japonais de pièces automobiles doivent payer un droit de 25 % à l'exportation vers les États-Unis, contrairement aux pièces automobiles canadiennes conformes à l'AEUMC qui bénéficient d'un accès en franchise. Même le Royaume-Uni, qui a conclu un accord commercial avec les États-Unis en juin, n'a obtenu que des exemptions tarifaires sectorielles limitées et est soumis à un droit de 10 % pour toutes ses autres exportations.
En bref, comparé au reste du monde, le Canada et le Mexique bénéficient d'un accès sans égal au marché de consommation américain. Que cherche alors le Premier ministre Mark Carney dans les négociations commerciales actuelles avec les États-Unis ? Et à quoi pense-t-il lorsqu'il répond aux tarifs sectoriels américains en érigeant ses propres barrières commerciales ? Un retour aux jours du commerce totalement libéralisé en Amérique du Nord semble hors de question tant que l'autoproclamé « homme des tarifs » occupe la Maison Blanche. M. Carney ne peut pas non plus s'attendre à réduire significativement l'incertitude pesant sur les entreprises en raison des tarifs, ce qui étouffe les nouveaux investissements. M. Trump conclut des accords en gardant des doigts croisés derrière son dos. Il s'est montré prêt à s'éloigner même des arrangements juridiquement contraignants qu'il avait précédemment acceptés.
Peut-être que cette absence de fiabilité est précisément ce qui préoccupe M. Carney dans ces négociations : aujourd'hui, nous bénéficions encore d'un commerce largement exempt de droits de douane. Mais qu'en sera-t-il demain si M. Trump déchire l'AEUMC ? Pourtant, l'argument en faveur des négociations est aussi un argument contre elles : dans le monde de M. Trump, l'incertitude est une caractéristique, pas un bug, et toute promesse faite à ses partenaires commerciaux n'est qu'un répit de courte durée. Étant donné qu'il y a peu à gagner dans les négociations commerciales en termes de tarifs généralisés, l'énergie de M. Carney est probablement dirigée vers les secteurs touchés par les tarifs sectoriels américains, à savoir l'acier, l'aluminium, le cuivre et le bois. Mais tout gain sera difficile à obtenir et marginal en portée.
Cela s'explique par le fait que ces tarifs ont été imposés pour des raisons de sécurité nationale. La question posée par la législation américaine applicable n'est pas de savoir si l'acier ou le bois canadien menace la sécurité nationale des États-Unis, mais si la capacité de production nationale américaine est suffisante pour répondre aux besoins prévus en matière de défense. Si l'objectif des États-Unis est d'atteindre l'autosuffisance dans les industries critiques à des fins de défense, le Canada a peu à offrir. Cela n'a pas découragé le Canada d'essayer. Le retrait de la taxe sur les services numériques face aux critiques américaines et les récentes restrictions commerciales sur les importations d'acier au Canada doivent être considérés comme des gestes de bonne volonté envers M. Trump.
Tôt ou tard, cependant, le Canada devra cesser de donner sans recevoir et changer de cap. Premièrement, le Canada devrait reconnaître que le statu quo est probablement le meilleur accord commercial qu'il puisse obtenir. Profitons de cette vague aussi longtemps qu'elle nous porte. Une révision de l'AEUMC se profile à l'horizon, au cours de laquelle M. Trump exigera inévitablement de nouvelles concessions tout en offrant, au mieux, un accès au marché plus restreint que celui dont bénéficie actuellement le Canada. Bien que la révision de l'AEUMC soit plus une menace qu'une opportunité, le temps joue en faveur du Canada. Avec un peu de chance, les marchés pourraient s'être détériorés, l'inflation pourrait être élevée et les élections de mi-mandat approcher au moment où les renégociations de l'AEUMC entreront dans leur phase finale, ce qui devrait donner aux négociateurs canadiens un levier supplémentaire.
Deuxièmement, la plupart des produits touchés par les tarifs sont des matières premières qui peuvent être échangées sur les marchés mondiaux. Bien que moins pratique que l'expédition vers les États-Unis, l'aluminium, l'acier, le cuivre et le bois canadien peuvent être vendus en Europe et en Asie. Un objectif politique clé doit donc être d'amortir le choc pour les industries touchées par les tarifs de M. Trump, sans perturber les futurs clients en dehors des États-Unis. Les achats préférentiels canadiens et les restrictions temporaires à l'importation pour éviter que les marchandises détournées des États-Unis inondent le marché canadien sont en principe judicieux. Dans la pratique, cependant, les dernières restrictions commerciales canadiennes sur l'acier ont été mises en œuvre d'une manière inutilement discriminatoire et illégale selon les règles du commerce mondial.