Le Chancelier Merz et l'E3 : L'Allemagne tourne son regard vers l'Europe
L'Allemagne et la France entretiennent une amitié officielle depuis plus de 60 ans grâce au traité de l'Élysée. Un traité similaire vient d'être signé avec le Royaume-Uni, marquant le premier accord bilatéral complet entre les deux nations depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Signé jeudi, ce traité prévoit une étroite coopération en matière de sécurité et d'armement, incluant des obligations d'assistance mutuelle en cas de crise, bien que cela existe déjà au sein de l'OTAN. Quelques jours avant la signature par le chancelier allemand Friedrich Merz à Londres, le président français Emmanuel Macron et son épouse Brigitte ont effectué une visite d'État de plusieurs jours au Royaume-Uni, comprenant une promenade en calèche avec le couple royal et un banquet d'État. Leur visite portait également sur la sécurité des deux puissances nucléaires européennes. Merz, Macron et le Premier ministre britannique Keir Starmer se sont également rendus ensemble à Kyiv il y a quelques semaines pour réaffirmer leur soutien à l'Ukraine. Des photos montrent les trois dirigeants en conversation détendue. Le Premier ministre polonais Donald Tusk les a rejoints après avoir pris un autre train.
Une alliance née de la nécessité L'« E3 » est l'acronyme récent désignant la coopération entre les trois grandes nations d'Europe occidentale : l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni. Bien que la France et l'Allemagne soient déjà des partenaires proches au sein de l'Union européenne, le Royaume-Uni est resté en marge depuis le Brexit. Cependant, ces différences ont été mises de côté pour répondre à deux problèmes urgents : la menace russe et l'incertitude quant au soutien du président américain Donald Trump aux États membres européens de l'OTAN en cas de guerre. La dissuasion nucléaire de la France et du Royaume-Uni, comme Merz l'a souvent suggéré, pourrait compléter, voire remplacer à long terme, la protection américaine si Washington se détournait de l'Europe.
Merz : « Nous avons été des passagers clandestins » La première visite de Merz à Washington en juin a été jugée réussie, et sa conférence de presse conjointe avec Trump s'est déroulée sans révéler de désaccords majeurs. En revanche, Trump et le vice-président JD Vance avaient snobé le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy en février. Merz, visiblement nerveux lors de la conférence de presse, a surtout promis une augmentation des dépenses de défense, ce qui a semblé satisfaire Trump. « Trump ne s'intéresse pas au partenariat, mais à la vassalité », a écrit Johannes Varwick, politologue à l'Université de Halle-Wittenberg. Après sa victoire électorale en février, Merz a déclaré que l'Europe devait « atteindre l'indépendance vis-à-vis des États-Unis » en matière de défense, une idée jugée irréaliste par Henning Hoff du DGAP.
Des contrôles frontaliers qui tendent les relations avec la Pologne Merz, chef de l'Union chrétienne-démocrate d'Allemagne, a accusé l'ancien gouvernement de négliger les relations avec la France et la Pologne. Dès son entrée en fonction en mai, il s'est rendu à Paris et Varsovie pour souligner l'importance de ces partenaires. Si ses relations avec Macron sont cordiales, des tensions sont apparues avec le Premier ministre polonais Donald Tusk après l'introduction de contrôles frontaliers par l'Allemagne. La Pologne, refusant de reprendre les migrants, a riposté en contrôlant sa frontière avec l'Allemagne. Henning Hoff qualifie cette situation de « faux départ », critiquant une politique migratoire symbolique au détriment de la cohésion européenne. Lors d'une conférence de presse avec Starmer, Merz a néanmoins insisté sur l'inclusion de la Pologne et d'autres partenaires européens dans les décisions de l'E3.